En 1979, Ron Dennis n’était pas encore arrivé chez McLaren et l’équipe de Woking n’avait fini que… 9e au classement des constructeurs.
La crise couvait à l’aube de l’année 1980… et la situation interne n’allait pas s’arranger durant cette campagne-là.
En effet, cette saison 1980 fit partie des plus toxiques de l’histoire de McLaren – dans un nouveau contexte pour l’équipe.
John Watson, arrivé chez McLaren en 1979 (il avait été chassé de Brabham par Nelson Piquet), et pilote expérimenté et respecté, faisait équipe avec un nouveau coéquipier, récemment titré en F3 Européenne : un certain Alain Prost.
Cette saison fut d’abord terrible sur le plan sportif : McLaren ne marqua que 11 points, autant que Fittipaldi ou Arrows. Pour ne rien arranger, Prost finit deux fois à l’hôpital après ce qui restera comme les deux plus gros crashs de sa carrière.
Mais en coulisses, ce fut pire encore.
La relation entre Watson et l’équipe (pas véritablement entre Prost et Watson) allait en effet vite tourner au vinaigre.
Dès les premières courses, le Français se signalait en donnant la leçon à son coéquipier plus expérimenté, le battant notamment largement en qualifications (et avec une 5e place en course aussi à Interlagos).
Watson comprit vite que tous les regards, et toutes les critiques, notamment du sponsor cigarettier, étaient focalisées sur lui. Il n’en fallait pas plus pour qu’il considérât, avec colère, que Prost était devenu le nouveau petit prince de Woking…
« Pour moi, il était clair que la direction accordait plus d’importance à Alain qu’à moi et que j’étais en quelque sorte relégué au second plan ! »
« On avait l’impression que la raison pour laquelle McLaren n’était pas aussi compétitive qu’elle aurait dû l’être… on aurait dit que c’était à cause de moi. »
Le pire est que Watson fut bientôt brocardé et moqué par sa propre équipe, avec un surnom assez triste dont il se rappelle aujourd’hui...
« Certains membres de ma propre équipe, et je parle des personnes qui travaillaient sur ma voiture, ont trouvé très amusant de changer mon nom [sur le côté de la voiture] de John Watson en John ’Whatswrong’ lors d’une course. »
« C’était dégoûtant, malhonnête et irrespectueux. »
« La direction a permis que cela reste sur la voiture. C’était un de leurs défauts, pour être honnête. »
« Pour ce genre de manque de respect, aujourd’hui, vous seriez viré sur le champ. À l’époque, tout cela semblait être amusant et faire partie de la scène. Mais c’est moi qui devais porter toute cette merde ! »
Les relations de Watson avec la presse se tendaient aussi logiquement, et les insultes succédaient aux moqueries...
« Je pense qu’à Zandvoort, il y a eu un problème avec la presse et j’ai pu leur dire qu’ils étaient une bande de branleurs. »
« Je ne me souviens pas en détail de cette situation particulière. Mais j’ai eu une presse négative tout au long de l’année 1980 et je pensais que la presse n’avait pas la moindre idée de ce qui se passait dans l’équipe. »
Watson critiqua aussi certains journalistes qui aimaient « passer trop de temps à profiter de la nourriture et de l’alcool gratuits des sponsors plutôt que de faire ce pour quoi ils sont payés. »
« Je déteste le dire, mais certains de ces anciens membres éminents de la presse disposaient d’un certain nombre d’informations, mais ils étaient loin de comprendre mes problèmes ou ceux de McLaren. »
« Tout ce qu’ils ont vu, c’est qu’Alain faisait un travail fantastique, et j’ai été le premier à le reconnaître. »
« J’ai agi comme un grand frère pour lui. Je n’ai eu aucun problème avec lui en 1980 et nous sommes encore de bons amis aujourd’hui. »
Une nuit rocambolesque à Kyalami
La désorganisation de l’équipe McLaren faisait aussi peine à voir.
Watson rappelle justement l’épisode de l’Afrique du Sud, où Prost se blessa après un accident plutôt important.
Et ce fut… au pilote Watson de prendre soin du Français ! Une autre époque.
« Comme ils n’arrivaient apparemment à joindre personne dans l’équipe, j’ai dû me rendre à Johannesburg pour trouver un hôpital et le faire examiner. »
« Ils lui ont fait passer une radio et ont découvert qu’il s’était cassé l’os scaphoïde du poignet. Lorsque nous sommes rentrés à l’hôtel, il était minuit passé. »
« Je n’étais pas content parce que l’équipe n’était nulle part, probablement au bar ou autre, alors j’ai juste dit : "il ne va pas courir, parce qu’il a un scaphoïde cassé". Ils n’en avaient pas la moindre idée, vraiment. »
« Je pense que Prost a été utilisé pour essayer d’empêcher Ron et John [Barnard] d’entrer dans l’équipe. »
« Il était un pion politique pour empêcher l’introduction d’un nouveau management… »
Finalement, peut-être aussi lassé de cet environnement, Prost ne tarda pas à plier bagage – pour Renault en 1981.