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L’ex-ingénieur de Prost raconte les coulisses du duel avec Senna

A partir de quand les tensions ont commencé ?

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La rivalité entre Ayrton Senna et Alain Prost, la plus fameuse de l’histoire de la F1, était sans doute inéluctable – puisque les deux hommes se disputèrent le titre F1 à partir de 1988 dans la même équipe, McLaren.

Mais dans quelles circonstances exactement cette rivalité est-elle née ? Comment a-t-elle éclaté ? Était-elle vive dès le départ ?

Neil Oatley, ancien ingénieur de course de Prost en 1988 (avant de passer designer en chef de McLaren F1), a apporté un éclairage très intéressant au podcast "Beyond the Grid".

Chez McLaren en 1988, tout semblait pourtant avoir bien commencé…

« C’était bien. Je veux dire qu’il n’y avait pas vraiment de tension, surtout en 1988. »

« L’ambiance était plutôt amicale. »

Oatley citerait lui le Grand Prix du Portugal 1988 (nous étions déjà en milieu d’année) comme élément déclencheur des hostilités.

Prost avait signé la pole avec cinq dixièmes d’avance sur Senna en qualifications, mais avait gêné son coéquipier dans un des tours rapides. Et Prost de jouer alors à quelques jeux mentaux...

« Alain était très rapide. Littéralement, je pense qu’une demi-heure après le début de la séance, il est allé au camion, a enfilé sa tenue casual et s’est appuyé sur le mur des stands en regardant le garage d’Ayrton. Je pense qu’Ayrton voulait juste lui toucher le nez après ça ! »

En course, Senna réussit pourtant à passer devant le poleman Prost au moment du départ ; mais le Français retrouva vite la tête dans la ligne droite principale. A ce moment-là, Senna poussa presque Prost dans le mur des stands - un vrai premier signe de tension.

« C’était le premier moment de tension, pour être honnête - c’était peut-être en partie à cause de ce qu’Alain avait fait l’après-midi précédent. Je pense que l’année avait été assez amicale jusqu’à ce moment-là, mais cela a créé un peu de tension, tension qui s’est également manifestée six mois plus tard à Imola. »

Le ressentiment monta donc encore d’un cran début 1989 à Imola.

Après un gros crash de Berger, la course reprit et Prost dépassa Senna pour la tête de course, à Tamburello, juste après la reprise. Mais à Tosa, Senna reprit les devants et gagnait finalement la course.

Or Prost fut particulièrement furieux : un accord aurait été trouvé entre les pilotes McLaren pour que le pilote en tête au virage 1 puisse gagner la course. Oatley se souvient de cet épisode.

« Évidemment, les choses ont un peu changé après Imola. »

« Au débriefing, nous étions assis autour de la table, les deux pilotes, moi-même, et tous les ingénieurs.

« Mais les pilotes ne se parlaient jamais. Si Alain voulait savoir quelque chose sur la voiture d’Ayrton, il demandait à Steve [Hallam, l’ingénieur de course de Senna], et si Ayrton voulait savoir quelque chose, il me demandait à moi et pas à Alain. C’était donc une situation un peu étrange, mais il n’y avait pas vraiment d’animosité. »

Pour autant, la guerre en germe chez McLaren n’empêchait pas Senna et Prost de partager leurs réglages. Pour le bien de l’équipe ?

« En fait, c’était assez ouvert. Je pense que les réglages ne variaient pas beaucoup, parce qu’ils n’avaient à se soucier que du gars de l’autre côté de la table. »

« C’était donc assez ouvert et il n’y avait rien de sournois. »

« Les réglages des deux pilotes s’écartaient rarement l’un de l’autre. Tout ce qu’ils faisaient, c’était regarder ce que faisait l’autre dans le garage. »

Les tensions ont-elles fini par empoisonner définitivement la vie interne chez McLaren ? Pas selon Oatley, qui rend hommage au rôle de Ron Dennis pour apaiser la situation.

« C’était une grande partie de sa journée de travail - pacifier et garder les deux heureux et performants. »

« Il protégeait très bien le reste de l’équipe, en fait, et cela ne nous dérangeait pas vraiment, mais, évidemment, la situation est devenue un peu plus tendue en 1989. Je pense qu’à partir d’Imola, les pilotes ne se parlaient plus. »

L’avenir de Prost chez McLaren semblait cependant scellé dès la fin 1988…

« Avec l’arrivée d’Ayrton en 1988, un grand changement s’est opéré et soudain, il n’y a plus eu que moi pour m’occuper d’Alain. L’équipe avait déjà décidé de son avenir. »

Prost ou Senna, qui était le plus rapide ?

In fine, le monde de la F1 se déchire encore aujourd’hui pour savoir qui était le plus rapide, ou le meilleur pilote, entre Prost et Senna.

Le Français a-t-il jamais considéré que son fameux coéquipier avait bien et naturellement le dessus en qualifications ?

Prost a-t-il d’ailleurs jamais admis, confié devant son ingénieur, que Senna avait en effet l’avantage sur un tour ?

« Je ne lui ai jamais posé cette question. »

« Je pense que mon intuition me dit que oui Senna était plus rapide sur un tour que Prost, mais cela ne le dérangeait pas vraiment. De toute évidence, une demi-génération les séparait. Alain avait donc fait sa part du travail et était bien plus avancé dans sa carrière. Ayrton voulait prouver qu’il était le pilote le plus rapide de tous les temps, mais ce n’est pas quelque chose qui a vraiment joué dans l’esprit d’Alain. »

« Alain se concentrait pour avoir une bonne voiture pour la course - plutôt que d’une bonne voiture pour les qualifications. Tout le monde aime être en pole position, mais ce n’était pas si important pour lui. »

Ironie de l’histoire, Oatley voyagea dans la suite de sa carrière... de l’autre côté du garage, pour devenir l’ingénieur de Senna. Comment fut-il accueilli par le Brésilien ? En ami ou ennemi ?

« Ayrton a toujours été très amical. Je ne pense pas qu’il me considérait comme un véritable ennemi. »

« Il était beaucoup plus intense. Il jouait avec les réglages de la voiture et du moteur. Il amenait les choses à un niveau différent par rapport à ce à quoi Alain était habitué. Alain était encore dans le monde où, un samedi après-midi après les qualifications, il était sur le terrain de golf avec Jacques Laffite deux heures plus tard, alors qu’Ayrton était enfermé dans le camion avec les ingénieurs de Honda, essayant de trouver comment il pouvait rendre le moteur plus réactif ou plus facile à conduire. Il a commencé à amener les choses à un autre niveau. »

« Ayrton et Alain étaient exceptionnels... et je pense que Mika Hakkinen est un peu sous-estimé au niveau mondial. Je pense que c’était un pilote exceptionnellement talentueux. »

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