Le nouveau règlement 2021 est censé rapprocher les performances entre chaque équipe… mais comme lors de tout grand chambardement, le risque existe aussi qu’une équipe trouve une faille dans la réglementation, pour prendre une large avance et dominer la saison.
Ross Brawn, le manager des sports mécaniques pour Liberty Media, est bien placé pour connaître ce risque : en 2009, son équipe Brawn GP avait justement tiré profit d’une faille dans le règlement (double diffuseur) pour écraser les premières courses.
Comment alors éviter que 2021 ne reproduise pas 2009 ? Ross Brawn a pris ses précautions avec la nouvelle gouvernance de la F1 : 30 voix sont réparties entre la FIA (10 voix), la FOM (10 voix) et les équipes (10 voix, une par équipe). Il suffirait d’une majorité de 25 voix pour changer le règlement (28 pour des changements décidés en urgence), ce qui veut dire que l’accord de la moitié des équipes seulement suffira pour aller de l’avant.
Ainsi, si une équipe prend trop d’avance avec le nouveau règlement, elle n’aura pas de pouvoir de veto pour bloquer une réforme.
« Je peux accepter que peut-être, un peu comme en 2009, une équipe ait raison, une autre ait tort. Mais je pense qu’il faut considérer fondamentalement le fait que seules trois équipes ont gagné [depuis 2012], et qu’elles pourraient gagner pour toujours, parce qu’aucune autre équipe s’en est approchée.
« Et vous laissez ce risque perdurer, avec les budgets que ces équipes dépensent, il suffit d’un léger ralentissement de l’économie pour que soudain, cela devienne un problème [pour la F1]. Il y a donc un risque. Il y a une chance qu’en 2021, quelqu’un prenne de l’avance sur la concurrence. Mais je pense que c’est une remise à zéro nécessaire. Sinon, je ne sais pas si nous allons pouvoir corriger la situation dans laquelle nous sommes. »
La FOM travaille également sur les délais de réaction avant de changer le règlement, qui ne devront plus attendre une année…
« Si une équipe se démarque avec une solution qui n’a jamais été conçue par d’autres et n’a jamais été imaginée, et détruit tout ce que nous essayons de mettre en place sur le principe [rapprocher les performances], la gouvernance permettrait, avec un soutien suffisant des autres équipes, d’arrêter cela. C’est une toute autre philosophie. »
« Nous faisons pression sur la gouvernance pour qu’elle permette d’apporter des changements, avec un préavis beaucoup plus court qu’à l’heure actuelle. Ainsi, si vous exploitez une faille à l’avenir, vous pouvez être mis hors course lors de du prochain Grand Prix, ce que vous ne pourriez jamais faire maintenant. »
L’esprit de cette gouvernance est ainsi de réduire le différentiel de performance causé par l’aérodynamique ou le châssis en général : cela ne conduira-t-il pas à brider la marge de manœuvre des ingénieurs et leur créativité pour Ross Brawn ?
« Nous voulons que les gens qui ont à exploiter un règlement bien compris par tous, soient les meilleurs dans leur domaine. Et je pense qu’ils doivent compter sur nous, et sur la FIA, pour que nous ne pénalisions pas quelqu’un qui a une idée géniale. Et c’est subjectif. »
« Mais est-ce qu’une grande idée doit découler du fait que quelqu’un ait mis une virgule au mauvais endroit dans le règlement ? Je ne pense pas que ce soit le cas. »
« Je pense qu’une grande idée est quand on se dit : c’est ce qui était prévu par le règlement, nous avons réalisé que nous pouvions le faire. C’est donc une ligne subtile, mais la gouvernance en F1 est une partie tout aussi cruciale du processus que les autres changements que nous avons apportés [comme les budgets plafonnés]. »
Pour rapprocher les performances entre chaque équipe, il aurait aussi été possible de laisser le règlement actuel perdurer, car de la stabilité de la réglementation provient souvent la convergence des performances…
« Oui. Et c’est leur défense [des écuries de pointe], si je peux m’exprimer ainsi : elles disent que la compétition s’améliorera à mesure que nous avancerons, avec la stabilité. »
« Mais cette stabilité est limitée à trois équipes qui dépensent probablement près d’un demi-milliard de livres. Nous ne pensons pas que ce soit une bonne situation. Nous voulons que les écuries de F1 réussissent d’une manière beaucoup plus durable que cela. »