C’est un document très important et encore évolutif qui a été remis à Pirelli par la FIA cette semaine : la lettre de mission, définissant les objectifs assignés aux pneus pour 2022, qui passeront des 13 aux 18 pouces pour le nouveau règlement aérodynamique et technique.
La lettre de mission actuelle a été dernièrement critiquée par Lewis Hamilton : selon lui, les buts impossibles assignés à Pirelli (faire des pneus plus durables, éviter des course à un arrêt) sont contradictoires et, couplés au faible nombre d’essais, aboutissent à un résultat forcément décevant.
Nikolas Tombazis, le responsable des monoplaces avec la FIA, a lui-même donné raison au pilote Mercedes : la FIA a demandé l’impossible à Pirelli et les leçons ont été tirées.
« Avec le recul, la première lettre de mission demandait en fait à Pirelli de faire des choses impossibles, en termes de faible dégradation et de capacité à pousser tout le temps, mais tout en ayant toujours de multiples arrêts au stand et un grand écart de performance entre les pneus. »
« C’était probablement un peu comme si on installait des cages de foot où il est impossible de marquer. Et je pense que nous devons le reconnaître. Mais je pense que le travail effectué avec les premiers pneus 18 pouces montre qu’ils vont définitivement dans la bonne direction. Je pense que les premiers tests des 18 pouces étaient très prometteurs. J’espère que nous arriverons à une bien meilleure situation dans un an et demi. »
Tombazis n’a cependant pas plus de détails à livrer, à l’heure actuelle, sur les objectifs de la nouvelle lettre de mission.
Mario Isola, chez Pirelli, a lui en revanche livré des informations très intéressantes. Il a tout d’abord rappelé la lourde tâche de Pirelli, qui doit gérer une augmentation de l’appui exponentielle surtout depuis 2017.
« Nous devons concevoir un pneu qui puisse s’adapter à 10 voitures différentes et à 20 pilotes différents et c’est toujours évidemment un compromis. Et le fait que nous ne puissions pas poursuivre notre développement est un peu un problème maintenant, et avec cette décision de réduire l’appui en 2021, je crois que nous sommes dans une meilleure situation. »
« Nous avons fait une très petite enquête sur les charges de 2011 à 2020, et la charge verticale, par exemple, au sommet du Copse [à Silverstone] est le double de la charge qu’elle était en 2011 - donc 100% de plus. C’est un chiffre énorme, ce n’est pas quelque chose que nous ne pouvons pas prendre en compte. Et c’est la même chose pour les charges latérales, la même chose pour un certain nombre de données que nous recueillons. Nous devons prendre tout cela en compte pour les pneus 2022. »
« Nous avons donc beaucoup discuté de la lettre qui était initialement prévue pour 2021, pour les pneus de 18 pouces, et qui est maintenant prévue pour 2022. »
Lewis Hamilton peut être soulagé : selon Mario Isola, la priorité aurait été donnée au ressenti des pilotes. Visiblement, l’influence du pilote Mercedes est très, très grande dans le paddock... et sa voix peut légitimement être écoutée.
« Dans la dernière version de la lettre de mission, nous avons décidé de revoir le contenu, afin de lister les objectifs, en donnant la priorité au ressenti des pilotes, et d’avoir des priorités comme la réduction de la surchauffe par exemple, la réduction de la dégradation. Mais, comme Lewis Hamilton l’a dit, nous ne pouvons pas avoir 100% d’adhérence et 100% de constance, sans dégradation et tout cela. Nous avons beaucoup discuté de cela, car si vous réduisez la dégradation, il n’y a aucune raison d’avoir plus d’un arrêt. En gros, si vous n’avez pas de dégradation pour le pneu, pourquoi devriez-vous perdre du temps pour vous arrêter une fois de plus, et peut-être perdre votre position sur la piste ? »
« Nous avons donc discuté de la possibilité d’avoir un pneu qui, après un certain kilométrage, se dégrade plus rapidement. Il y a beaucoup de sujets dans la lettre évidemment, certains d’entre eux sont difficiles à réaliser tous ensemble. Avoir un pneu avec une adhérence beaucoup plus élevée, mais aussi beaucoup de constance est vraiment difficile. Lorsque vous avez beaucoup d’adhérence, vous avez généralement une dégradation importante - c’est l’idée du pneu de qualification. Je sais donc que les pilotes aiment l’adhérence, je sais que les pilotes demandent un pneu idéal. C’est notre effort et notre plan pour 2022. Pour 2021, comme nous l’avons déjà dit, c’est difficile, car nous n’avons pas la possibilité d’améliorer le produit. Nous nous concentrerons donc sur ce point pour 2022. »
Les récents développements tendent ainsi à dédouaner Pirelli pour le comportement parfois erratique des pneus en F1. Toto Wolff fait partie de ceux qui comprennent la difficulté de la tâche de la firme italo-chinoise.
« Ils doivent faire face au fait que nous développons une voiture de F1 avec de plus en plus de puissance, et ils ne peuvent pas vraiment créer un nouveau produit chaque année. Je souhaite qu’à l’avenir, nous parvenions à un bon compromis entre le fait d’avoir le bon pneu pour les voitures modernes de Formule 1, ce qui réduira considérablement l’appui, et je pense que nous mettrons fin à ces discussions sur la pression des pneus et les charges avec Pirelli. J’espère qu’il sera plus facile pour eux de livrer et de fournir un pneu sur lequel tout le monde sera heureux de courir. »