Les stratégies en F1, le choix de réglages, ne se décident pas que dans le garage des écuries sur les circuits, à chaque Grand Prix. Loin de là.
Depuis quelques années, les équipes ont développé des « salles d’opérations » ou des garages virtuels.
Lors de chaque Grand Prix, les ingénieurs présents à l’usine suivent ainsi « en direct » et en distanciel le déroulé des opérations, en apportant des conseils basés sur une série d’atouts : les données bien sûr, mais aussi le calme, loin de la chaleur des circuits. Le but est de devenir le troisième œil de l’équipe de course, de la seconder en voyant ce qu’elle ne voit pas et de réagir avec plus de recul ou de réactivité.
Après Mercedes (voir notre article), Red Bull en a dit un peu plus sur sa salle d’opérations basée donc à Milton Keynes. Une salle où les écrans fourmillent, les ingénieurs remplaçant les traders.
Organisée comme un petit théâtre ou auditorium, la salle est dominée par un immense écran 4K TV où les ingénieurs peuvent suivre le déroulé des Grands Prix. La TV, précise Red Bull, diffuse 12 canaux, dont les caméras embarquées des deux Red Bull mais aussi des rivaux. Devant elle, chaque personne a deux écrans affichant des informations personnalisées, en fonction de son rôle.
La salle d’opérations est divisée en plusieurs rangées de sièges. Chaque rangée est dévolue à un groupe : le groupe des ingénieurs chargés de la performance, le groupe des aérodynamiciens, le groupe des stratégistes, etc. Le stratégiste en chef pour la course, au milieu de la salle, essaie de coordonner ce beau monde.
Un de ces stratégistes a pu s’exprimer pour Red Bull :
« Lorsque vous avez votre casque sur les oreilles, vous n’entendez rien d’autre, mais il y a beaucoup de discussions à la radio, donc c’est tout sauf silencieux. »
« Lorsque les pilotes parlent, nous avons tous tendance à nous taire et à écouter pour être sûrs d’entendre si quelque chose est nécessaire. »
« La plupart des départements ont des canaux internes qui peuvent être divisés. Il y a un canal pour chaque département, un canal plus large et un canal pour la salle des opérations. Il y a généralement quatre ou cinq étapes, où chaque canal implique de plus en plus de personnes. »
Mais cette salle d’opérations est-elle vraiment utile ? Le stratégiste en chef de la salle d’opération le croit évidemment et a donné un exemple remontant au Grand Prix d’Autriche 2020.
« Un bon exemple est en EL1. Quelque chose s’est détaché d’une des voitures Renault dans les stands et nous l’avons repéré environ 20 secondes avant que les caméras de télévision ne le montrent. Nos pilotes étaient sur la piste et nous avons pu envoyer un message à l’équipe instantanément pour prévenir les pilotes afin qu’ils puissent l’éviter. »
« Après les qualifications, lorsque les voitures sont dans le Parc Fermé, nous ne pouvons plus faire de changements, donc l’équipe d’aéro ne sont pas ici, ce qui donne à l’équipe de stratégie plus d’espace pour dimanche. »
Cela nécessite bien sûr des données de qualité : il suffirait de 300 millisecondes pour que les données arrivent de la base de Milton Keynes au Royaume-Uni, à Melbourne en Australie par exemple. Un réseau VPN exploité par AT&T est utilisé pour l’occasion.
Une utilisation aussi sociale
Mais cette salle ne sert pas qu’à travailler : un membre de l’équipe Red Bull raconte ainsi comment la salle a trouvé rapidement une autre utilité à l’été 2018 !
« Lors de la Coupe du monde de football en 2018, nous avons allumé un écran pour regarder le match de l’Angleterre, tandis que le Grand Prix de France avait lieu. Ce n’est pas parce que les gens ont dû travailler le week-end qu’ils doivent tout rater. »