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La sécurité en F1 : Mosley disparaît, son héritage demeure

Une prise de conscience cependant tardive ?

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L’héritage de Max Mosley, s’il devait être contenu en un mot, se résumerait à : sécurité. En effet en tant que président de la FIA, Mosley a vite vu son mandat être recentré, sinon envahi, par un impératif inévitable, qui devint le sujet de discussion le plus vif et le plus central, et pour cause, de la F1 au tournant des années 1990. La sécurité, encore et toujours.

Chacun se souvient de ce funeste week-end de fin avril-début mai 1994, quand Roland Ratzenberger puis Ayrton Senna perdirent la vie à Imola. Mosley se rendit d’ailleurs aux obsèques du premier et non du second (funérailles nationales au Brésil), considérant qu’il valait mieux rendre hommage à celui qui risquait de passer sous les radars.

L’héritage sécuritaire post-Imola

Le drame d’Imola mit en lumière le manque de sécurité en F1 et fut ainsi à l’origine du plus grand héritage laissé par Mosley à la F1. Entre Senna et Bianchi, aucun décès ne fut ainsi à déplorer, et l’œuvre accomplie par Mosley n’y était pas pour rien.

« Le week-end d’Imola a été un catalyseur de changements » évoquait lui-même Mosley il y a quelques années. « Cela a aussi eu des impacts sur la sécurité routière et cela a sauvé des dizaines de milliers de vie. C’est la vérité. Sans cela, nous n’aurions jamais été à Bruxelles, l’Euro NCAP et ses crash-tests n’auraient pas été créés, nous n’aurions pas toute cette législation de la Commission Européenne qui a relevé les standards de sécurité. Tout cela a commencé avec l’accident d’Ayrton. C’est ce qui compte pour moi. »

Le propre du week-end d’Imola, outre les changements techniques qu’il a initiés, a été de finir d’ancrer la mort d’un pilote, non comme le résultat d’une fatalité, mais comme la conséquence de mesures de sécurité insuffisantes et donc toujours à compléter – car la sécurité n’était pas un acquis mais une construction de tous les jours pour Mosley.

« Dans les années 60, je me souviens que les gens disaient que ce sport était inutilement dangereux et on leur répondait alors que personne n’était obligé à le faire. C’était entièrement volontaire. Je me souviens aussi qu’à l’époque on devait pouvoir penser à faire un sport sans en mourir. Vous pouvez accepter des risques mais pas des risques énormes » soulignait encore Mosley.

Sur le plan technique, Imola, sous l’impulsion décisive de Mosley et de la FIA, l’organe directeur chargé de ces questions en F1, a laissé des traces durables qui sont encore ressenties aujourd’hui. Protections latérales du cockpit (qui sauvèrent peut-être la vie de Mika Hakkinen à Melbourne en 1995), renforcement des crash-tests de manière drastique, arrivée des TecPro remplaçant le béton qui était encore trop présent sur les bords de piste, gravier abrasif ralentissant davantage les voitures, lancement du développement du système Hans, révision du tracé de certains circuits… L’héritage « mosleyien » est très vaste.

Il aura peut-être sauvé la mise à une longue liste de pilotes ayant connu de gros crashs par le passé, comme Luciano Burti (Belgique 2001), Takuma Sato (Autriche 2002), Fernando Alonso (Brésil 2003, Australie 2016), Mark Webber (Brésil 2003, Europe 2010), Ralph Firman (Hongrie 2003), Jarno Trulli (Silverstone 2004), Robert Kubica (Canada 2007), Heikki Kovalainen (Espagne 2008), Marcus Ericsson (2018), et tant d’autres accidents qui auraient pu mal tourner sans toutes ces évolutions. Sans compter bien sûr sur le crash de Romain Grosjean à Bahreïn l’an dernier.

Du reste c’est sur ce point de la sécurité qu’insistait Franck Williams à la disparition de Mosley : « Cette compétence politique a permis à Max d’avoir un impact profond non seulement sur la F1 mais aussi sur le sport automobile et la sécurité routière, dans son rôle de président de la FIA. »

Halo et règlement 2017, des prises de position logiques

C’est d’ailleurs aussi dans le droit fil de son engagement que Mosley a poussé (alors que Todt était en poste) pour l’introduction du halo, au moment où beaucoup de pilotes (comme Nico Hülkenberg ou Romain Grosjean) étaient alors sceptiques.

De manière plus intéressante encore, cet engagement pour la sécurité expliquait aussi la prise de position de Mosley contre le règlement aérodynamique 2017. Pour rappel celui-ci visait à augmenter l’appui général des voitures, à augmenter leur vitesse en virages donc (et de fait les records sur la plupart des circuits ont été battus). Mais pour Mosley cette vitesse se construisait au détriment de la sécurité (et du spectacle) ce qu’il dénonçait alors au début de l’année 2017 : « Rendre délibérément les Formule 1 plus rapides est discutable, parce que toutes les règles, depuis les 40 ou 50 dernières années, et mises en application par la FIA, l’ont toujours été dans le but de rendre les voitures moins rapides. Moins rapides ou plus sûres. Parce que la vitesse est évidemment synonyme de danger Mon opinion personnelle est qu’ils ont peut-être pris la mauvaise direction pour le spectacle et les dépassements. A leur place, j’aurais réduit l’aérodynamique et donné encore plus de grip mécanique. »

Et en effet le règlement 2022 revient sur ce règlement 2017, en réduisant l’appui aérodynamique notamment…

Une prise de conscience trop tardive ?

Pour autant si l’héritage de Mosley est incontestable, la conversion de l’ex-président de la FIA n’a-t-elle pas été trop tardive ? C’est ce qu’on peut penser en revenant dans les archives…

Car en effet après Imola, le consensus était loin d’être présent en F1. Alain Prost en particulier avait attaqué Mosley et Bernie Ecclestone, car ils avaient négligé la sécurité selon lui. Certes Mosley n’était en poste que depuis un an mais selon Prost, il n’avait pas été contre non plus la modification du règlement 1994 pour bannir les systèmes électroniques d’aide au pilotage. Avec de tels systèmes, les crashs n’étaient-ils pas rendus plus certains, pour créer un spectacle peut-être plus artificiel, préférant donc les audiences TV à la sécurité ? Prost attaqua ainsi Mosley en lui déniant le droit à la parole puisqu’il n’avait « jamais mis les fesses dans une F1. » Sans doute la saison 1993, lors de laquelle la FIA n’avait pas arrangé la vie du Français, n’était-elle pas bien passée non plus. Quoi qu’il en soit Mika Hakkinen, Christian Fittipaldi, Andrea de Cesaris ou Lauda rejoignirent la fronde anti-Mosley.

Et pour se défendre, Mosley ne fit pas preuve de la « hauteur de vue » qu’il a pu adopter lors de ses prises de parole ultérieures. En tout cas dans la chaleur du moment, le 4 mai 1994, il fit preuve d’une étrange inconscience : « La F1 n’est ni plus ni moins sûre qu’il y a une semaine. Simplement, nous avons eu une chance incroyable pendant douze ans » soulignait-il alors. Et d’accuser même Prost et Senna de négliger la question de la sécurité : « Depuis trois ans, chaque fois que je voyais Ayrton, je lui suggérais d’avoir un déjeuner avec moi quand il passerait à Londres. En vain. »

Mis sous pression, Mosley se fit le chantre de la sécurité en F1. Si sa conversion a pu être tardive, au moins a-t-elle été franche et efficace pour la postérité…

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