C’est chez Mercedes que Williams est allé chercher son prochain directeur d’écurie, et le successeur de Jost Capito – en la personne de James Vowles, que Toto Wolff a accepté de libérer, faisant contre mauvaise fortune bon cœur.
Ce n’est cependant pas la première fois, dans l’histoire récente de la F1, qu’un élément central de l’équipe Mercedes passe chez Williams, pour occuper un poste critique.
En effet en 2017, Paddy Lowe, qui était alors directeur exécutif (directeur technique) de Mercedes, et auréolé de trois saisons de franche domination, était parti chez Williams, pour occuper le poste de directeur technique en chef. A l’époque, ce transfert était une vraie prise de guerre pour l’équipe de Grove, qui comptait ainsi continuer sa montée en puissance (le début de l’ère hybride avait été fort satisfaisant, malgré un petit ralentissement en 2016).
Au moment de son arrivée, Lowe affichait même de grandes ambitions en disant viser, pourquoi pas, le titre à terme ! « Il est tout à fait possible de remporter un championnat, il n’y a pas de meilleur exemple que celui de Red Bull qui a réussi avec le moteur Renault alors que ce n’était qu’une équipe cliente » déclarait-il alors.
Pourtant, le passage de Lowe chez Williams fut un véritable fiasco. Dès la saison 2018, rien ne se passa comme prévu par rapport aux ambitions initiales. Non seulement le duo de pilotes (Sergey Sirotkin-Lance Stroll) ne donnait pas du tout satisfaction ; mais encore Williams n’inscrivit que 7 unités, et termina à la dernière place du classement des constructeurs.
Mais Williams toucha le fond aux essais hivernaux de 2019 – en manquant les premiers jours des tests de Barcelone. Les monoplaces britanniques eurent logiquement une compétitivité catastrophique par la suite, étant d’assez loin en 2019 et 2020 la monoplace la plus lente du plateau.
Lowe désigné comme bouc émissaire ?
Une FW41 ratée en 2018, une FW42 qui n’était pas même prête à temps pour commencer les essais hivernaux… Bien évidemment, la position de Lowe fut grandement fragilisée chez Williams.
Pourtant le 1er mars 2019, Lowe assurait encore être confiant pour son poste, et prévenait même Claire Williams des conséquences de tout licenciement : « Blâmer une personne pour un problème qui a été causé par un nombre incroyablement élevé de circonstances et de facteurs ? Ce serait une conclusion erronée et trop simple. Ce que j’ai observé en bien des années de présence en F1, c’est que bien souvent, quand vous changez de personnes lorsque quelque chose va mal, ça ne fonctionne pas. Ce que j’ai aussi observé, c’est que les écuries les plus solides sont celles qui n’agissent pas du tout ainsi. »
La réalité finit tout de même par frapper à la porte de Lowe. Si bien que le 6 mars 2019, avant même le premier Grand Prix, Williams annonça le départ en « congé personnel » de Lowe – un licenciement qui ne disait pas son nom.
« Il a décidé de quitter l’équipe et nous lui souhaitons le meilleur » expliqua diplomatiquement Claire Williams…
Le départ de Lowe, quelques jours après ces essais hivernaux manqués de Barcelone, donna en tout cas un message clair au paddock : le responsable était tout trouvé.
Ce n’est qu’en avril 2021, après un long silence, que Lowe était finalement revenu sur cette éviction de Williams – et sur toute cette expérience calamiteuse.
Avec le recul du temps, mais aussi avec quelque sentiment d’injustice, l’ingénieur refusait tout d’abord d’endosser la responsabilité première ou en tout cas personnelle de cet échec : « Ces deux années chez Williams, je ne les ai pas appréciées, pour être honnête. C’était un travail très dur, sans aucune récompense. Et oui, je pense que moins on en dit, mieux c’est, pour être honnête. Pendant que j’étais dans l’équipe, j’ai regardé cette spirale négative empirer et empirer encore, et c’est en fait assez pénible parce que vous comprenez qu’il n’y a pas de dénouement possible à part de dire : ça va échouer. »
« Tout ce que je dirais, c’est que la Formule 1 est un sport où on est très impatient, personne n’est patient en Formule 1. Et pourtant, c’est une compétition incroyablement difficile. C’est sans doute la compétition la plus difficile sur Terre, et cela signifie que si vous ratez votre tour, et certainement si vous ne faites pas les bonnes choses pendant une longue période de temps, vous ne pouvez pas vous attendre à récupérer le temps perdu du jour au lendemain. »
« Je suis bon dans beaucoup de domaines, et je pense l’avoir prouvé dans un certain nombre de choses, mais je ne peux pas faire de miracles, et certainement pas de miracles en ce qui concerne le temps. (...) Si vous avez une voiture lente, ce n’est pas parce que vous avez une voiture lente, mais parce que vous avez une organisation qui fabrique des voitures lentes. »
Entre les lignes, Lowe paraissait attaquer plutôt la véritable responsable, celle qui tenait les manettes – c’est-à-dire Claire Williams. La directrice adjointe n’avait visiblement pas fait les bons choix stratégiques ou les investissements à temps…
« Lorsque l’organisation commence à s’égarer parce qu’elle n’a pas fait les bons investissements ou pris les bonnes décisions, elle ne fait pas instantanément de mauvaises voitures » tançait ainsi Lowe.
Un échec collectif plus qu’individuel
Il est en effet regrettable que Lowe ait été désigné comme le bouc émissaire de cette période.
La principale difficulté de Williams était sans doute budgétaire. Grove luttait tout simplement pour sa survie – ce qui occupait l’essentiel des journées de la directrice adjointe de Williams. La pandémie faillit apporter un coup fatal, mais le rachat de Williams par Dorilton Group, un ensemble d’investisseurs américains, en 2020, permit à la fois de maintenir à flots l’équipe et de lui donner de nouvelles ressources… et de raisons d’espérer.
L’échec de Lowe est d’autant moins un échec personnel qu’il s’inscrivait aussi dans le contexte d’une certaine désorganisation à la tête de l’équipe – ici, ce serait donc Claire Williams qui serait plutôt à blâmer.
Il est par exemple étonnant que Williams, suite au départ de Lowe, soit restée deux années sans personne pour lui succéder comme directeur technique !
Ce qui interloquait même George Russell : « Durant toute ma période chez Williams, on n’avait pas de directeur technique, ce qui est assez fou quand vous y pensez. Quelques personnes ont fait un travail qu’elles ne devaient pas faire. Si le directeur technique est à sa place, ces mécaniciens et ingénieurs peuvent se focaliser de nouveau sur leur mission. »
Bis (non) repetita ?
Rien ne dit évidemment que ce nouveau transfert d’un ponte de Mercedes à Williams, celui de James Vowles, se passera aussi mal que celui de Paddy Lowe.
Ne serait-ce parce que l’environnement chez Williams a changé. Les finances sont désormais assurées, grâce au soutien de Dorilton Capital qui permet à l’équipe d’évoluer au niveau des budgets plafonnés.
Il reste cependant à régler la question du… directeur technique ! Le départ de François-Xavier Demaison laisse aujourd’hui un vide : espérons que cette fois, Williams ne mette pas deux ans à le combler.