Il est possible que le dernier Grand Prix de F1 de Monaco se tienne à l’issue du contrat actuel, soit en 2025.
C’est ce que clame Michel Boeri, le président du célèbre Automobile Club de Monaco depuis 1972 et qui organise le Grand Prix.
Mais les rues de Monte-Carlo accueillent la Formule 1 depuis bien plus longtemps que cela - mais tout pourrait se terminer à la conclusion du contrat de 2025 tant la pression faite par Liberty Media sur le Grand Prix monégasque se fait grande, financièrement notamment.
"Ce qui compte, c’est la puissance de l’offre, pas la durée pour les Américains. Si un pays du Moyen-Orient met sur la table dix fois plus d’argent que nous, on est mort, comme tous les GP au monde," confie Boeri au quotidien sportif français L’Equipe.
"Que l’on négocie trois ou cinq saisons. On a beau avoir été un des berceaux du sport automobile, on sera out."
Toujours un proche confident de l’ancien PDG de la F1 Bernie Ecclestone, Boeri ne semble pas impressionné par la gestion des propriétaires actuels du sport, Liberty Media.
"Ce qui compte pour les Américains, c’est l’offre seule. Money is money, mais jusqu’à un certain point. Avant les Américains, Bernie était là pour nous arracher de l’argent, mais il restait dans des proportions normales."
"Avant les accords Concorde de 1981, c’est avec Jean-Marie Balestre, alors président de la Fédération internationale de sport automobile (FISA) qu’on traitait. C’était autrement plus folklorique et violent. C’était un homme du sud de la France, passionné et réactif. Il pensait détenir la vérité et se croyait Dieu lui-même. Ça aboutissait souvent non pas à un conflit d’argent, mais de personnalités. Il était le lion qui voulait être le premier lion et, pour cela, il était prêt à tout casser, quels que soient les dommages collatéraux."
"Et nous voilà avec nos amis américains. La tradition ne leur dit pas grand-chose. Ils sont, en plus, assaillis par des demandes exceptionnelles pour organiser des GP partout dans le monde. Ils sont donc en position de force. Et puis, ils ont fait des progrès remarquables en termes d’audience avec la série Netflix. On tombe sur des gens d’une culture différente, qui savent la valeur du produit qu’ils offrent. Ils nous disent : ’Si vous ne voulez pas vous aligner sur nos tarifs, il n’y aura pas plus de Monaco que de beurre en branches’."
Outre le Moyen-Orient, les Américains favorisent surtout leur propre pays. Avec trois courses maintenant.
"Le seul qui pourra faire quelque chose de très bien je pense, c’est Las Vegas. On verra cet hiver. Miami, ça n’a pas été la réussite exceptionnelle dont on parle."
Alors faut-il être pessimiste pour Monaco ?
"Ce premier GP avec ce nouveau contrat va permettre à chacun de trouver ses marques. Les choses vont se calmer. Il y a des hausses significatives sur chaque édition. Avec en plus pour les propriétaires de la F1 la prérogative de négocier les contrats publicitaires en direct et non plus avec nous. Et donc de s’en arroger les fruits."
"Aujourd’hui, tout est écrit, disséqué. Jusqu’à présent, la parole suffisait, même si, bien sûr, on signait des contrats. Désormais, chaque pas de côté entraîne la réaction du cabinet d’avocats de la F1. Je suis bénévole et ça peut parfois devenir fatigant. J’ai moi-même été avocat et je ne suis pas venu à l’Automobile Club de Monaco pour gérer des dossiers d’avocat. J’en avais déjà ras le bol à l’époque où j’exerçais. Alors, recommencer avec un droit international qui n’est pas le nôtre, en étant en contact permanent avec des cabinets d’avocats britanniques pour nous assister, c’est lourd."
"Je ne pars pas battu, ce n’est pas dans mon caractère. Mais je comprends quand même que nous ne sommes plus entre Européens, où existait ce jeu de subtilités, de fanfaronnades parfois, histoire d’alimenter la chronique, les bons mots, les bravades, d’Artagnan entre guillemets. Aujourd’hui, nous sommes face à la Brinks. Allez faire le malin devant un coffre-fort ! Mon travail va constituer à essayer d’entrouvrir un petit peu les portes du coffre-fort, même si nous ne sommes pas en position dominante. Notre signature nous engage."
"Liberty Media sait valoriser son produit, mais ils ne sont pas partis, comme nous les gens de la base, pour durer. Ils vont le faire fructifier et s’en séparer au moment opportun. Ils ne sont pas dans l’attachement traditionnel. Nous, nous sommes ici pour rendre le GP de Monaco le plus séduisant possible. Un produit, ça se ménage. Ce n’est pas de dire : ’Ah tu es là ? C’est un honneur que l’on te fait de venir chez toi et tu vas payer un maximum’. Un GP chez nous, c’est quelque chose de très particulier. Nous croyons encore à la tradition."