Directeur de Toro Rosso / AlphaTauri pendant 18 ans, Franz Tost profite désormais d’une retraite bien méritée des paddocks.
L’équipe Toro Rosso était née des cendres de Minardi, la petite Scuderia. Voire très, très petite. Car Franz Tost se souvient dans quel état il a trouvé Faenza, l’usine maison…
« Je pense que c’est le 8 novembre 2005 que je me suis rendu pour la première fois à Faenza. Avant cela, Dietrich Mateschitz m’a appelé et m’a dit "tu dois prendre le contrôle de cette équipe". La raison pour laquelle il a acheté l’équipe était a) d’éduquer les jeunes pilotes et de les amener en Formule 1 et b) d’utiliser les synergies. »
« Minardi était en faillite et Bernie Ecclestone et Max Mosley lui ont demandé de racheter l’équipe. Mateschitz a répondu qu’il avait déjà une équipe parce qu’il venait d’acheter Jaguar, mais qu’ils avaient besoin de voitures sur la grille. Il ne voulait pas mettre en place une deuxième infrastructure, alors il leur a dit qu’il le ferait, mais qu’ils devraient utiliser les synergies avec Red Bull Racing. C’est ainsi que tout a commencé. »
« Lorsque je suis arrivé, il s’agissait plus ou moins d’une équipe de course. Il y avait 85 personnes et aucune infrastructure pour faire quelque chose en interne parce que Minardi obtenait tout de ses fournisseurs. J’ai tout de suite compris qu’il fallait développer l’équipe et améliorer l’infrastructure. En 2006, nous avons commencé avec une voiture identique à celle de Red Bull en 2005, avec le moteur V10 Cosworth, que nous étions autorisés à faire tourner. »
Dès 2008 cependant, l’équipe connaissait un surprenant succès : Toro Rosso battait son équipe-mère, Red Bull, et remportait un Grand Prix d’anthologie à Monza, grâce à Sebastian Vettel.
Un succès que Franz Tost explique humblement et facilement.
« Je ne suis pas du genre à me réjouir d’avoir battu Red Bull Technology, parce que tout d’abord, nous avons tout obtenu d’eux. »
« Deuxièmement, avec Sebastian Vettel, nous avions un pilote fantastique et ses performances étaient bien meilleures que celles des autres. La satisfaction est venue parce que nous étions compétitifs, mais pas parce que nous étions devant Red Bull. Pour moi, il était important que l’équipe soit dans la meilleure position possible. C’est ce qui est décisif. Qui est derrière, je m’en fiche. »
Les synergies avec Red Bull, un cadeau parfois empoisonné ?
Cependant en 2010, face aux critiques des autres équipes, le règlement changea : il devint impossible à Toro Rosso d’acheter des pièces à Red Bull, ou très peu. Cela ouvrit une période difficile pour la structure.
Mais reprendre et copier des pièces n’est parfois pas le chemin le plus court vers le succès. Même en 2021, quand Toro Rosso eut l’opportunité de reprendre les suspensions arrière de Red Bull sans dépenser de jeton, l’équipe ne fit pas ce choix. Et pourtant, 2021 fut une année très compétitive pour l’équipe, où Pierre Gasly luttait régulièrement avec les McLaren voire les Ferrari.
Comment Franz Tost peut-il l’expliquer ?
« Nous avons dû nous débrouiller seuls en ce qui concerne l’aérodynamique, et l’aérodynamique est tellement complexe qu’il n’est pas toujours utile de construire les mêmes pièces sur la voiture. Vous devez comprendre la philosophie qui se cache derrière, et nous devons le faire par nous-mêmes parce que la FIA vérifie. »
« Par exemple, la FIA inspecte parfois l’usine de Bicester. Ils viennent vérifier notre CFD, pour voir comment nous arrivons à nos solutions aérodynamiques. Ils veulent les voir dans la soufflerie, et ce n’est pas comme si Red Bull pouvait nous dire de le faire de telle ou telle manière. Non. »
« Nous devons trouver notre propre philosophie et nous espérons que la voiture fonctionnera. Personnellement, j’aime la façon dont nous avons commencé parce que c’était vraiment plus facile dans tous les sens du terme, nous avons économisé beaucoup d’argent et nous avons eu du succès. Mais la Formule 1 est ainsi faite - la Formule 1 veut cela, la FIA veut cela, les équipes veulent cela. Nous devons donc l’accepter et aller dans cette direction. »
Dans un sens, la saison 2024 marquera un retour aux sources pour Toro Rosso/AlphaTauri, bientôt Racing Bulls. L’équipe aérodynamique, basée à Bicester, va en bonne partie déménager pour être hébergée sur un bâtiment sur le campus de Red Bull, à Milton Keynes. AlphaTauri va aussi partager la soufflerie à 60 % de Bedford, celle de Red Bull, alors qu’elle utilisait la soufflerie de Bicester, à 50 % (la dernière de ce genre, moins efficace, dans le paddock).
Franz Tost voit-il donc son ancienne équipe faire un bond au classement cette année ?
« Si je regarde notre position dans le championnat des constructeurs, il vaudrait mieux se taire parce que c’est une blague ! »
« L’équipe a une bonne structure, une bonne base, mais pour faire le prochain pas en avant, il faut investir de l’argent pour augmenter l’infrastructure et engager du personnel supplémentaire. »
« Je sais qu’il y a un plafond de coûts, mais c’est encore une très petite équipe et nous sommes bien en dessous du plafond, en 2023, autour de 10 millions de dollars ou quelque chose comme ça. Pour être compétitifs par rapport aux autres équipes, nous devons investir, recruter davantage de personnel et améliorer nos machines et nos outils de simulation. »