La prochaine réglementation moteur en F1, c’est déjà demain : l’an prochain en effet, le nouveau règlement révolutionnera l’unité de puissance actuelle, en augmentant notamment la part de l’électrique.
Les carburants seront aussi 100 % durables, ce qui pose déjà des problèmes financiers majeurs : la F1 a déjà dû dégainer une réunion de crise sur ce sujet…
Les V6 turbo hybrides actuels arrivés en 2014, et qui ont été, au moins initialement, mal-aimés par les fans en raison de leur faible bruit, tireront donc leur révérence.
Quel sera l’héritage de cette génération d’unité de puissance ?
« Cette génération de moteurs – ceux que nous avons – est et restera celle des moteurs les plus efficaces de la planète » commence par répondre Laurent Mekies, le patron de Red Bull (qui aura son propre moteur l’an prochain avec Red Bull Powertrains / Ford).
« Même si ces unités de puissance ont eu leur lot de critiques, c’est ce qu’elles sont. En tant qu’ingénieurs, cela nous étonne encore – dépasser 50 % d’efficacité sur un moteur à combustion interne plus un système hybride est incroyable. Technologiquement, ces moteurs sont extraordinaires. Ils nous ont offert de belles courses. »
« Bien sûr, nous avons probablement tous sous-estimé le niveau de complexité qu’ils atteindraient finalement, mais c’est aussi ça, la Formule 1. Nous avons un autre énorme défi avec la réglementation de 2026, c’est de nouveau passionnant avec beaucoup de spéculations – le carburant durable, l’équilibre énergétique. Mais la F1 est là pour ça. »
Équipe d’usine par excellence, Ferrari et son patron Frédéric Vasseur sont aussi parmi les mieux placés pour commenter ce changement de génération. Le patron de Maranello va-t-il regretter les V6 turbo actuels ?
« Il est vrai que la perception est probablement complètement différente entre 2014 et le présent. Nous avons une énorme convergence de performance, il n’y a plus un énorme écart. Tout le monde est dans le coup. Ce n’était pas le cas en 2014. C’est une bonne chose en F1 d’avoir cette sorte de continuité dans le développement et cette convergence de performance. »
« En termes de technologie, nous avons atteint un très haut niveau avec ce moteur. Mais nous devons maîtriser les coûts et éviter l’arrogance. En F1 en général, on est là pour quelques années, et on a vu les hauts et les bas. Ce n’est pas parce que nous réussissons que nous ne devons pas veiller à garder les choses sous contrôle. »
La révolution moteur s’accompagnera, l’an prochain, d’une révolution châssis, un combo très rare dans l’histoire de la F1.
Les châssis datent surtout pour leur format actuel du grand changement aérodynamique en 2022, avec le retour de l’effet de sol. Mais celui-ci avait eu une conséquence catastrophique initialement, le fameux marsouinage.
Laurent Mekies est-il heureux de changer de règlement aérodynamique, alors que Red Bull, qui avait écrasé la saison 2023, est désormais à la traîne ?
« Si vous demandez à Stefano (Domenicali, le patron de la FOM), il vous rappellera probablement que nous critiquions tous ces voitures avant leur sortie. Et au final, nous avons eu des courses incroyables. »
« J’étais dans le groupe des ‘mauvais garçons’ – nous pensions tous que les voitures seraient toutes identiques, qu’il y aurait trop de standardisation et que les niveaux de performance seraient trop proches. Cela ne s’est pas avéré tout à fait exact. Nous avons eu une compétition incroyable. »
« Une équipe domine, et une autre a dominé. Donc, si l’on combine cela avec le fait que ces voitures sont les plus rapides de tous les temps, ou presque, elles nous ont offert un très beau spectacle. »
« Nous avons vu beaucoup de dépassements. Personnellement, j’ai un bon sentiment à propos de ces voitures. Elles ont apporté quelque chose de grand à la Formule 1 – technologiquement très avancées. Ce fut un défi pour tout le monde. Les voitures à effet de sol ont surpris presque toutes les équipes en 2022, avec le marsouinage et tout le reste. Nous avons eu un grand spectacle. Et combiné avec ce moteur, cela a placé la barre très haut. »
Frédéric Vasseur va dans le même sens que Laurent Mekies : ce nouveau règlement aérodynamique, malgré ses déboires de lancement, a permis d’avoir des Grands Prix extrêmement serrés. Même s’il ne faut pas négliger le poids du règlement financier (les budgets plafonnés) dans cette équation-là…
« A Budapest, nous avions quatre équipes différentes, six voitures, je crois à moins d’un dixième. C’est de la vraie course. C’est sûr, McLaren domine – je ne suis pas stupide – mais ils sont un cran au-dessus. Probablement aussi un peu dans la gestion des pneus, etc. Mais nous avons atteint un point où nous avons une vraie bagarre. »
« Et n’oubliez pas non plus que nous avons développé cette génération de voitures sous le plafond budgétaire – c’est la première génération sous plafond budgétaire. Cela signifie que nous devons tirer le positif. Nous avons eu différents vainqueurs, différentes équipes capables de gagner des courses, et de mon point de vue, ce fut un bon spectacle et un bon sport. »
Ayao Komatsu, le patron de Haas F1, a été aussi épaté par le resserrement des performances dans le peloton.
« Comme l’a dit Fred, en 2014, certaines personnes ne pouvaient même pas faire un seul tour. Puis est arrivée 2022, avec les voitures à effet de sol – de nouveau, la plupart des équipes ont eu d’énormes problèmes. Mais la rapidité avec laquelle nous avons géré cela, la rapidité avec laquelle nous avons convergé. »
« Tant du côté de l’unité de puissance que du côté châssis/aéro, nous avons prouvé quelque chose. Cela met en valeur ce qui est extraordinaire en F1. »
« Et la réglementation va changer à la fois l’unité de puissance et l’aéro. C’est un défi énorme, énorme. On verra un paysage très différent au début, mais encore une fois, je suis presque sûr que l’on verra ce paddock – ces 11 équipes – trouver rapidement des solutions. »