La réduction de la longueur des zones DRS à Bakou, puis à Miami, n’est pas du goût de certains pilotes (voir notre article). Après un spectacle un peu fade en Azerbaïdjan, ne risque-t-on pas de nouveau une course peu spectaculaire à Miami ? La FIA a-t-elle pris le bon virage s’agissant de ces zones DRS ?
Le président du GPDA, George Russell, a clairement marqué l’opposition des pilotes aux décisions de la FIA, en conférence de presse à Miami.
« Nous n’avons tous pas vraiment compris pourquoi les zones ont été raccourcies. Aucun d’entre nous n’a été consulté à ce sujet ou n’a été invité à donner son avis, et la course a parlé d’elle-même à Bakou. Je ne sais pas si nous allons conserver le même système pour ce week-end. Le DRS est là pour faciliter les dépassements et c’est toujours excitant quand vous avez ces gros avantages en vitesse de pointe, cela vous donne l’opportunité de vous battre. Et clairement à Bakou, les zones DRS étaient beaucoup trop courtes. »
Charles Leclerc va dans le même sens que George Russell...
« Oui, je ne pense pas que ce soit la bonne direction à suivre. Avec les voitures que nous avons en ce moment, il est encore difficile de suivre les F1. C’est mieux que les voitures de la génération précédente, mais ce n’est pas encore assez bien pour avoir moins de DRS, donc j’espère qu’à l’avenir nous ne les raccourcirons pas. »
Logan Sargeant confirme ces impressions avec une expérience personnelle, vécue dans le feu de l’action à Bakou.
« Oui, je suis d’accord avec Charles et George. J’étais derrière Zhou pendant une trentaine de tours à Bakou, à environ une seconde, et je n’ai jamais pu m’approcher suffisamment du Virage 1. À plusieurs reprises, si les 100 mètres supplémentaires avaient été là, j’aurais pu être en mesure de le dépasser. Alors oui, je pense que ce n’est pas la bonne direction. »
Lance Stroll, du côté d’Aston Martin F1, rappelle tout de même que le DRS n’est qu’un pis-aller dans le monde de la F1 pour faciliter les dépassements.
« Dans un monde idéal, nous n’aurions pas à compter sur le DRS pour faciliter les dépassements. J’aimerais que la nature des circuits nous donne plus d’opportunités de dépasser, et que la nature des voitures aussi nous donne plus d’opportunités de dépasser. »
« Mais, en tant que groupe de pilotes et avec la FIA, je pense qu’il est important que nous parlions des zones DRS sur chaque circuit et que nous nous donnions la meilleure opportunité possible de courir chaque week-end pour pouvoir dépasser. »
« Je ne me souviens pas comment étaient les dépassements à Miami l’année dernière, mais était-ce si mauvais ? C’était le cas. Donc, oui, je ne sais pas pourquoi ils ont raccourci les zones DRS. Mais c’est peut-être quelque chose dont il faut parler. »
Le mécontentement des pilotes est en partie lié à l’évolution des monoplaces cette année : il semble plus difficile, notamment avec les évolutions aérodynamiques et du plancher, de suivre d’autres F1 de près. C’était pourtant le but du nouveau règlement aérodynamique de 2022...
George Russell peut-il confirmer ?
« Je pense que c’est le cas. Je ne sais pas exactement pourquoi. La F1 a créé ces règlements pour faciliter les dépassements et le suivi des autres voitures, et depuis qu’ils ont été introduits, chaque équipe a évolué naturellement en s’éloignant de ces intentions initiales du réglement, au fur et à mesure que la voiture se développe. Chaque voiture sur la grille est donc très différente de ce à quoi elle devait ressembler, disons, il y a 18 mois ou deux ans, ou peu importe quand. »
« Et oui, dépasser devient peu à peu plus difficile, mais aussi parce que l’aspiration n’est pas aussi grande avec ces nouvelles voitures, donc cela va lentement dans la mauvaise direction pour les dépassements. »
Charles Leclerc confirme-t-il les propos de George Russell ?
« Peut-être qu’en tant que pilote, j’ai l’impression que cette année, il est un peu plus difficile de suivre dans les virages à basse vitesse, surtout par rapport aux virages à haute vitesse. C’est donc là que nous avons un peu plus de mal, mais oui, George a tout dit. »
Des F1 trop lourdes pour dépasser ?
Que pense le leader du championnat, Max Verstappen, sur ce sujet ?
Le pilote Red Bull met notamment en avant le poids massif des voitures pour expliquer cette tendance négative.
« Ces voitures sont un peu plus stables quand on les suit. Avec l’autre génération, on pouvait avoir un survirage ou un sous-virage massif à haute vitesse ou à basse vitesse. Maintenant, oui, vous perdez l’appui aérodynamique, mais c’est un peu plus de sous-virage, un peu plus de survirage, rien de vraiment drastique. »
« En général, ce que nous devons essayer d’éviter - mais c’est très difficile - c’est simplement une augmentation du poids. Lorsque vous remontez dans une ancienne voiture et que vous en sortez, vous sentez clairement la différence dans l’agilité de l’ancienne voiture. Au début des années 2010 par exemple. Avant cela, les F1 étaient encore plus légères, n’est-ce pas ? »
« Je ne sais donc pas comment résoudre ce problème. Les roues plus grandes sont également un peu plus lourdes. Pour moi, cela va dans la mauvaise direction. Mais je ne sais pas ce qu’on peut faire pour inverser la tendance. »
Un sujet aussi lié aux Pirelli ?
Esteban Ocon apporte une nuance intéressante : la dégradation des pneus est aussi un facteur important à prendre en compte pour les dépassements. Or les circuits sont assez peu abrasifs pour le moment.
« C’est un peu plus difficile de dépasser, oui. Le fait de raccourcir les zones DRS n’aide pas du tout, comme nous l’avons déjà dit. Mais il y a quelque chose que nous n’avons pas encore vécu, c’est que nous avons fait trois courses sans dégradation pour le moment, ce qui, vous le savez, crée plus de difficultés pour dépasser. À Bahreïn, nous avons vu beaucoup plus de dépassements que lors des trois dernières courses et il n’y a pas eu de dégradation en Australie, pas de dégradation à Djeddah, pas de dégradation à Bakou. »
« Voyons s’il y en a ici avec le nouveau tarmac. Mais oui, dès qu’il y a un peu plus de dégradation, il y a plus de bagarres et plus de plaisir sur la piste. »
George Russell semble enfin lui pointer du doigt le peu de robustesse des Pirelli, qui ne permettraient pas assez d’attaquer...
« Il est évident que nous poussons Pirelli à fournir un bon pneu, un pneu constant, et quand c’est difficile, vous savez, les pilotes, moi y compris, nous n’aimons pas ça. Mais dans un monde idéal, vous avez un pneu très fort qui, à un certain moment, perd beaucoup en performance et vous oblige à faire quelques arrêts aux stands supplémentaires, ce qui lui donne des opportunités différentes en course. Mais oui, je ne suis pas vraiment sûr. »