Le bloc propulseur hybride est arrivé en Formule 1 en 2014 et en est donc à sa huitième saison d’exploitation. Un temps de fonctionnement qui en fait forcément un produit fini, qu’il est de moins en moins possible de faire progresser. Cependant, les motoristes travaillent sur les gains qu’il est encore possible de faire dessus, et notamment pour exploiter l’énergie du moteur."
Cela passe évidemment par des progrès du côté du carburant, à l’image de Petronas avec Mercedes F1. Le carburant, via sa densité et sa composition, a un rôle crucial dans le bon fonctionnement du moteur à combustion qui compose le bloc hybride.
Andrea Dolfi, directeur R&D des solutions technologiques pour les fluides de Petronas, confirme que les progrès à réaliser sont de plus en plus marginaux, mais que les moteurs actuels offrent des possibilités presque sans fin de trouver des gains, aussi faibles soient-ils.
"Le bloc propulseur V6 hybride est utilisé depuis 2014, et il est né bien avant lors de la publication du règlement" a expliqué l’ingénieur italien à Nextgen-Auto.com. "Donc on pourrait s’attendre à une courbe asymptotique avec des gains bien plus importants dans la première phase, grâce à des ajustements qui peuvent mener à des gains conséquents, et que ça devienne ensuite plus plat."
"C’est le cas, cependant, vous seriez surpris par tout ce que l’on peut faire. Il y a 30 ou 50 ans, avant que les ordinateurs n’arrivent, j’aurais demandé à quelqu’un ’que pouvez-vous faire de plus avec un moteur à combustion ?’. Le carburant va dedans, les pistons montent et descendent, il y a une explosion… etc."
"Je ne veux pas vulgariser cela, mais la science et les découvertes peuvent être conséquentes, et j’ai la preuve à cela. Un motoriste que je ne nommerai pas, qui était dans une forme horrible il y a deux ans, brille aujourd’hui. Donc il y a encore beaucoup à faire."
Il précise que les motoristes et leurs partenaires évaluent le potentiel de progression d’une innovation avant de lancer son développement, et que celui-ci est de plus en plus réduit à mesure que la réglementation évolue : "Bien sûr, il y a des efforts qui des récompenses, et si l’on analyse le rapport entre les deux, il y a beaucoup de portes qui se ferment. Mais beaucoup peuvent aussi s’ouvrir."
Un fonctionnement facilité grâce à l’hybride
Petronas a su, depuis le début de l’ère hybride, faire évoluer ses carburants pour aider au gain de performance des moteurs Mercedes. Andrea Dolfi a essayé de voir le moteur différemment, spécialement dans l’ère hybride où le mélange stœchiométrique, c’est-à-dire le bon mélange air/essence, est atteint plus facilement.
"Le carburant n’est pas juste quelque chose qui va dans la voiture, c’est la première source d’énergie de la voiture. Le travail de la voiture, c’est de transformer l’énergie chimique en autre chose, en énergie cinétique sur les roues, et en gâchant la plus faible quantité d’énergie chimique possible."
"J’ai une formation de chimiste, avec un Doctorat en biophysique, et j’ai dû gagner de l’expérience et m’entraîner au fil des années dans le domaine de l’ingénierie mécanique. Cependant, ma force a été de voir le moteur non pas comme quelque chose qui crame des éléments et active des pièces mécaniques, mais je le vois comme un réacteur chimique. Pour moi, c’est un réacteur chimique très complexe."
"En gardant ces deux choses à l’esprit, le fait que le carburant soit la première source d’énergie, et le fait que pour un chimiste, un moteur est une machine compliquée qui permet de maximiser l’utilisation d’énergie, on peut facilement comprendre que beaucoup de choses peuvent être faites."
"En 2014, les deux changements principaux étaient le downsizing et le turbo pour aller avec le système hybride. Après 2014, on ne parle plus de moteur mais d’unité de puissance, car il y a le moteur à combustion, le MGU-K et le MGU-H. En réduisant la taille et en ajoutant un turbo, en n’étant plus des blocs propulseurs atmosphériques, l’oxygène n’est plus un problème."
"On a l’oxygène dont on a besoin, même à un régime faible, puisque le MGU-H aide quand le régime moteur est en bas, notamment dans les virages, quand le moteur est dans ses phases de faible puissance, à condition d’avoir de l’énergie stockée dans les batteries. Ça a beaucoup changé la manière dont on conçoit le carburant, et nous avons atteint différentes étapes au fil de la formulation du carburant."
Un transfert de technologie limité avec les voitures de route
En revanche, les transferts de technologie vers les véhicules de route ne sont pas plus simples en termes de carburant. Andrea Dolfi explique grâce à une métaphore que si la base de composition du carburant en F1 est la même que celle des voitures de route, la différence sur le produit fini est énorme.
"Je dirais qu’il y a eu un transfert, mais dans une certaine mesure. Il faut voir la formule du carburant et des fluides en deux dimensions. Il y a les composants et la formule. Si vous allez au restaurant, vous ne pouvez pas commander un menu avec du poisson si le restaurant n’a pas de poisson."
"C’est un exemple très simple pour expliquer les ingrédients, mais on sait qu’avec les mêmes ingrédients, on peut cuisiner des repas typés fast food de mauvaise qualité, ou un repas de type trois étoiles au Michelin. Cela dépend à quel point vous êtes bon dans les techniques."
C’est donc grâce à la recette utilisée que le carburant sera plus ou moins adapté à différents véhicules : "Chez nous c’est la formulation du carburant. Certaines formules que nous utilisons ont pu être appliquées dans d’autres voitures, avec certaines limites."
La différence est-elle importante au point de ne pas pouvoir faire rouler une F1 avec un carburant normal ? L’ingénieur pense que la Formule 1 pourrait rouler avec une essence sans plomb, mais sa longévité et les performances que l’on pourrait en tirer seraient forcément très réduites.
"C’est une question difficile. On parle évidemment de voiture à essence. Le moteur fonctionnerait, mais je ne suis sûr du temps qu’il continuerait à fonctionner, ni des conditions dans lesquelles il fonctionnerait. Mais je n’ai jamais essayé cela !"
"Je peux vous dire que mon erreur, car dans nos infrastructures R&D nous avons un banc d’essai pour moteurs, a été d’utiliser de l’huile de Formule 1 dans une voiture de route. Les opérateurs mélangent parfois les choses quand on fait des tests, et je peux vous dire que ça ne s’est pas bien passé."