Paddy Lowe a connu un échec cinglant chez Williams en tant que directeur technique, mais avait connu les succès les plus remarquables avec Mercedes, au même poste, au début de l’ère hybride, tant l’équipe allemande était en avance au moment du changement de règlement de 2014.
En vérité Mercedes écrasait tellement la concurrence (après quelques craintes initiales sur la fiabilité) que Lowe révèle que l’équipe avait dû cacher la véritable performance de son unité de puissance PU105B.
Mercedes était ainsi soucieuse de ne pas trop alerter la FIA et la FOM sur l’ampleur de son avance, au risque de se voir imposer des contraintes réglementaires. Et selon Lowe, comme il l’a confirmé au podcast "Beyond the Grid", c’est Toto Wolff lui-même qui a demandé à Mercedes de cacher son véritable niveau.
« Pendant l’hiver, j’ai vu des descriptions du moteur faites par Andy Cowell. Il ne disait pas à tout le monde quels étaient leurs problèmes. C’était une période très, très difficile et ils n’avaient absolument aucune confiance. »
« Mais je pense qu’à mesure que nous arrivions au premier test, et certainement au deuxième, il est devenu plus clair que certains autres étaient dans un désarroi vraiment désespéré, sans mentionner de noms [sans doute Renault, ndr], et que nous étions en assez bonne forme. »
« Puis nous sommes arrivés avec une autre mise à niveau lors du test de Bahreïn, qui était véritablement une pile formidable d’énergie. Cette évolution a soudainement apporté sept ou huit dixièmes de plus en chevaux. C’était une journée énorme. Et nous savions à ce moment-là que nous étions dans une situation assez spéciale. »
« C’était excitant, mais vous aviez d’autres soucis. Imaginez la scène : vous avez Toto et le conseil d’administration de Daimler qui s’inquiètent des aspects négatifs, sur le plan politique, si nous apparaissons trop bons. »
« Vous avez Bernie Ecclestone qui court partout en disant que c’est un cauchemar, que ces moteurs V6 sont terribles. Eh bien, là on pensait, chez Mercedes, que si nous avions l’air trop ridiculeusement bons, que quelque chose devrait être fait à ce sujet. »
Alors Mercedes a réduit sa puissance moteur sur les F1 de Lewis Hamilton et de Nico Rosberg, non seulement en Q1 et en Q2, mais encore en Q3 ! Ce qui révèle l’ampleur de l’avance de Mercedes, aujourd’hui bien évaporée.
Le principal souci de Mercedes était alors de savoir : avec quelle avance raisonnable devrons-nous signer la pole ? Un vrai problème de riche !
« Il y avait beaucoup de tension sur le muret des stands. En qualifications, on ne montait jamais le moteur en régime maximal pour les Q1 et Q2. C’était une sorte de mode ’paresse’ ou veille. »
« Le débat était alors de savoir à quel point il fallait monter la puissance moteur pour la Q3. Toto me disait dans l’oreille : ’C’est trop, c’est trop’. Et je me disais, ’mais si on n’a pas la pole, on va passer pour une bande d’imbéciles’. »
« Alors quel chrono choisir pour faire le travail tout en sachant qu’on ne voulait pas se tromper ? C’était une grande partie de la discussion du samedi après-midi. Une discussion agréable. »
« En fait, cela a duré assez longtemps. Pendant la majeure partie de 2014, ce moteur n’a jamais été à pleine puissance pour les qualifications. »
Si Mercedes a signé toutes les poles de l’année, sauf au Red Bull Ring (pole de Felipe Massa, 2e place de Valtteri Bottas), ce n’était pas seulement en raison de la puissance du V6. Le châssis était aussi une réussite, conclut Lowe.
« C’était aussi une bonne voiture. »
« Ce n’était pas seulement le moteur, nous avions aussi une aérodynamique formidable, meilleure que n’importe qui en fait, parce qu’en fait on corrigeait les données aérodynamiques en fonction des réglages moteur réduits. Et cette voiture était meilleure que n’importe quelle autre, il n’y avait pas que le moteur, loin de là. »