Gwen Lagrue est le responsable de la détection des jeunes pilotes chez Mercedes F1. Il a notamment encadré George Russell et plus récemment Frederik Vesti, et reconnait qu’il n’y a pas souvent des pilotes capables d’aller en Formule 1 qui sont réellement détectés.
"C’est une bonne question. Je pense que nous rencontrons très rarement celui qui deviendra champion du monde" admet Lagrue. "Je pense que cela arrive tous les 10 ou 12 ans. Mais je crois en chacun de mes pilotes et lorsque je les engage en karting, je pense que nous y arriverons."
"Vous devez croire en ce que vous faites et l’objectif est de les amener en Formule 1. Si vous ne parvenez pas à atteindre cet objectif, vous vous engagez à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour aider le pilote à devenir professionnel."
"Nous savons, bien sûr, qu’il n’est pas possible de les amener tous en Formule 1, mais cela doit être notre objectif. Si nous ne sommes pas en mesure d’atteindre cet objectif, je sais qu’ils deviendront professionnels de toute façon, en endurance, en IndyCar ou autre."
Un pilote doit "commencer le plus tôt possible"
Lagrue est habitué à détecter des jeunes pilotes dès le karting, et il conforme qu’à cet âge, il n’y a pas que la vitesse. La vision qu’ils ont de la course, leur capacité à être régulier et leur communication sont d’autres paramètres à regarder.
"Non, absolument pas. Bien sûr, cela fait partie de ce que nous recherchons, mais lorsque j’assiste à une course de karting, je suis les dix meilleurs pilotes et je surveille ce qu’ils font pendant toute une saison. Je me concentre davantage sur leur régularité, sur la manière dont ils interagissent avec leur équipe et dont ils gèrent la course."
Un pilote peut-il encore arriver en F1 s’il n’a pas été détecté dès le karting, ou s’il est monté trop vite en monoplace ?
"Il n’est pas nécessairement trop tard, mais il est beaucoup plus facile de commencer le plus tôt possible. J’aime beaucoup quand nous commençons un projet en karting, parce que nous établissons une relation de confiance avec un pilote et une famille, ce qui sera beaucoup plus difficile si nous commençons plus tard."
Et les recruteurs cherchent selon divers critères : "Nous disposons d’un réseau solide, mais je ne suis pas convaincu que nous choisissions toujours le pilote le plus talentueux du monde. Je pense que nous travaillons actuellement sur la manière de rendre le sport plus accessible."
"Car peut-être que le jeune le plus talentueux se trouve quelque part en Amérique du Sud, et que nous ne savons pas qui il est parce qu’il n’a pas les moyens de venir en Europe et de participer aux courses que nous suivons. Il y a beaucoup d’initiatives en fait, pour essayer d’ouvrir l’accès au karting à un maximum de jeunes pilotes."
"Nous essayons d’aider les organisateurs, les constructeurs et les fabricants, par exemple, à fournir un kart à un jeune pilote ou à une équipe quelque part dans le monde. Nous faisons beaucoup d’efforts et aidons certains organisateurs à rendre le sport accessible."
Une préparation physique limitée pour les enfants
En revanche, l’encadrement qu’offre une filière ou un manager comme Gwen Lagrue peut faire la différence pour le pilote : "À 11 ans, ils sont encore en pleine croissance. Nous leur donnons une première introduction avec un préparateur physique ou un préparateur mental, mais c’est très, très léger parce qu’ils sont encore en train de grandir."
"Le plus important à cet âge est d’apprécier ce qu’ils font, de s’amuser et de les laisser courir et exprimer leur talent naturel et leurs compétences. Mais plus nous avancerons, plus nous ajouterons des outils autour d’eux. Lorsqu’ils ont 11 ans et qu’ils pilotent un kart, tout est très simple."
"Dès que nous les faisons passer à une monoplace, ce qui est un moment clé dans la carrière d’un pilote, nous commençons à ajouter un préparateur physique et nous avons quelqu’un avec un jeune pilote pour le guider sur la façon d’interagir avec l’équipe, la façon d’interagir avec son ingénieur, la façon de préparer son rapport, etc. Ainsi, plus nous avançons, plus nous ajoutons des outils pour le pilote."
Une "maturité impressionnante" pour ces pilotes
Gwen Lagrue reconnait que la maturité est souvent ce qui différencie les bons pilotes des champions en devenir : "Si je pense à George, Esteban, Alex ou Kimi Antonelli aujourd’hui, vous comprenez que lorsqu’ils ont 12 ans, ils discutent déjà avec vous comme s’ils avaient 20 ans."
"La maturité qu’ils ont à leur âge est super impressionnante. On sent que l’on parle déjà à quelqu’un de spécial, de différent, à la façon dont ils réfléchissent rapidement et répondent à une question, ou même anticipent ce que vous allez leur demander. Ils sont vraiment impressionnants."
George Russell et Lewis Hamilton sont des modèles pour les jeunes de l’académie Mercedes : "Ce sont de bons exemples à suivre. George m’aide beaucoup avec les jeunes pilotes parce qu’il est un exemple pour tous."
"Bien sûr, nous avons le privilège d’avoir Lewis dans notre équipe, sept fois champion du monde, donc il était déjà un exemple à suivre pour George. J’espère qu’à l’avenir, George sera également un exemple pour les jeunes pilotes en devenant champion du monde."