Quand on évoque la place des femmes en F1, le nom de Michèle Mouton revient invariablement : la Française a été vainqueure de quatre rallyes du championnat du monde et a prouvé que les femmes pouvaient être l’égale des hommes en compétition.
Mouton poursuit aujourd’hui son travail exemplaire pour l’égalité à la FIA, où elle préside la commission Women in Motorsport. Elle s’est confiée au Figaro sur ses dossiers et notamment sur la place des femmes, encore insuffisante, en F1 ou dans le sport automobile – une place même déclinante ses dernières années.
Le premier sujet est celui de la mixité : faut-il promouvoir des séries féminines comme les W Series ? Ou faut-il tout miser sur les séries mixtes ? Mouton penche clairement pour la deuxième solution, logique étant donné son histoire personnelle.
« Le sport automobile est un des rares sports (avec l’équitation et la voile) où hommes et femmes peuvent se confronter sans distinction de classement. Il n’y a donc pas de raison de se limiter en les laissant entre elles. L’objectif n’est pas d’être la meilleure femme, mais le meilleur pilote, ce qui suppose de se confronter aux hommes. À titre personnel, je crois que tant qu’elles ne seront pas confrontées à la concurrence des garçons de leur génération, il sera difficile d’émerger en Formule 1 et, pour cela, la route est encore longue ! »
« Pour moi, la compétition, c’est se mesurer avec les meilleurs et, en sport automobile, ce sont des hommes. J’ai aimé me mesurer aux hommes, non pas pour les battre mais pour atteindre leur niveau. C’était déjà bien assez difficile ! J’ai prouvé qu’une femme à matériel identique pouvait y arriver. Mais le circuit ne m’attirait pas et je n’ai jamais pensé à la Formule 1. Tourner en rond en respectant toujours la même trajectoire ne m’intéressait pas. J’étais faite pour l’improvisation, le rallye et découvrir de beaux pays. »
Mouton va même plus loin et malgré sa position au sein de la FIA, adresse une sérieuse critique au championnat des W Series, une série au niveau trop faible selon elle.
« Les écuries de F1 regardent d’abord les performances et il n’y a qu’à suivre les chronos pour voir le faible niveau de cette série. J’encourage donc les meilleures de cette série à parfaire leur formation en F4 ou en F3 et à challenger les hommes dans notre « pyramide des monoplaces » qui, elle, est mixte. Notre commission FIA Women in Motorsport revendique la mixité de notre sport et nous nous orientons davantage sur l’arrivée de plus de femmes parmi les hommes. »
Alors, comment agir ? Non en aval avec les W Series, précise Mouton, mais bien en amont, en karting, là où déjà se créent les discriminations.
« Si nous voulons que des filles réussissent à arriver en F1, nous devons impérativement élargir la base de la pyramide, actuellement beaucoup trop petite par rapport à celles des garçons, qui sont déjà très peu nombreux à accéder au sommet. C’est pourquoi nous avons développé des initiatives visant à élargir cette base. L’an dernier, la première édition de notre nouveau programme, FIA Girls on Track-Rising Stars, a dépassé nos attentes. Nous avons soutenu une jeune pilote, Maya Weug, qui à tout juste 17 ans est la première femme à rejoindre la fameuse Ferrari Driver Academy. Elle fait déjà preuve d’un grand potentiel lors de sa première saison en Formule 4. Et le fait d’avoir Ferrari comme partenaire me donne la certitude que nous sommes sur la bonne voie... »
« Ces deux dernières années, nous avons assisté à une véritable montée en puissance des talents féminins. Nous sommes désormais en mesure d’amener les femmes dans les plus hautes catégories du sport automobile. Il y a déjà six femmes dans le championnat du monde d’Endurance. Dans l’Indy 500, nous avons Simona de Silvestro, Katherine Legge et peut-être bientôt Tatiana Calderon, qui vient de faire des essais encourageants. »
Et Mouton de conclure sur une note optimiste : « Aujourd’hui le sport automobile fait appel aux femmes et, si nous leur donnons les meilleures conditions, nous pouvons espérer faire entrer bientôt une femme en Formule 1. »