Adrian Newey a donc rempilé pour un rôle à temps plein en Formule 1, alors qu’il avait pris du recul chez Red Bull dans les derniers mois. Le nouveau partenaire technique en chef d’Aston Martin F1 explique comment il est revenu à cette envie, et le rôle qu’a joué le fait de se placer devant un nouveau défi.
"Je ne sais pas d’où venait cette histoire de trois jours par semaines, mais tant pis. En 2014, on avait des difficultés avec un moteur qui était moins performant et je ne voyais pas de lumière au bout du tunnel" a déclaré Newey.
"J’ai donc ressenti que j’avais besoin d’autre chose, et c’est là qu’est arrivée la Valkyrie. Avec l’arrivée du moteur Honda en 2019, les choses ont changé, et je me suis de nouveau beaucoup plus investi en Formule 1."
"Mais c’était une équipe très mature, donc une fois que l’on avait atteint le pic de conception des voitures 2022, j’ai pu prendre un peu de recul. Mais c’est quelque chose de différent, c’est un challenge différent, une nouvelle stimulation, et je veux faire ce que je sens être la meilleure chose possible pour l’équipe."
Newey a été "flatté" par les autres équipes
Convoité par plusieurs équipes dont Ferrari, il avoue avoir apprécié cette attention mais a vite décidé quelle serait sa destination, au terme d’une réflexion sur ce qu’il voulait faire : "Je suis flatté par l’approche de toutes ces équipes. On a discuté avec certaines d’entre elles, mais le choix était assez clair."
"J’ai décidé d’arrêter avec Red Bull en avril, à Suzuka. Je n’avais alors aucune idée de ce qui suivrait, j’ai eu le temps de me vider l’esprit, j’ai apprécié la pause, et j’espérais que l’étincelle reviendrait. Et Mandy a joué un rôle important pour cela, on en a beaucoup parlé, ce qui nous a parfois rendus fous !"
"Et fin juin, j’ai senti qu’être un designer avait été mon ambition depuis toujours et que j’y étais parvenu. J’ai adoré chaque journée de ma carrière, et j’aime le défi de donner de la performance à une voiture, c’est ce qui me motive à me lever le matin."
"C’est une discipline dans laquelle il y a un échange entre l’homme et la machine, on a un retour direct de l’humain, ce qui parfois peut être cruel. Mais j’ai comparé avec mes confrères ingénieurs de l’école d’aéronautique et de l’université, et ils n’ont pas ça."
"Et j’ai donc voulu travailler dans ce domaine d’homme et de machine, je me suis demandé quel en était le sommet, et c’était la Formule 1. Donc je reste intéressé dans la Coupe de l’America, dans beaucoup d’autres choses, mais aller au sommet était ce qui était le plus important."
Newey n’écoute pas ce qui se dit sur lui
Le Britannique a fait les gros titres dans la presse récemment, mais ne s’en est pas préoccupé : "Je vais être honnête, je ne regarde rien de tout ça, je ne lis rien de tout ça, Mandy me tient juste brièvement informé. Ma deuxième année en Formule 1, j’avais eu une première bonne saison et j’avais lu des bonnes choses sur moi."
"Donc j’ai voulu me faire du bien à l’ego en lisant, mais j’ai ensuite eu mauvaise presse et j’ai conclu que le mieux à faire était de ne rien lire du tout ! Et c’est ce à quoi je me suis tenu depuis. Hormis les gens qui me disent que je suis dans la presse tout le temps, je n’en sais rien."
Interrogé sur la pression qu’il ressent à l’aube de ce nouveau défi, l’ingénieur révèle qu’il est plutôt insensible à la pression extérieure ou hiérarchique, mais qu’il applique en revanche un grand niveau d’exigence sur lui-même : "Ma pression vient de moi-même, elle ne vient de rien d’extérieur."
"Je me souviens que Frank Williams, en 1991, était venu vers moi en me disant que j’étais la personne la plus compétitive dans le paddock. Et j’étais agacé parce que je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Et je ne pense pas qu’il avait raison, car il y a notamment les pilotes comme Fernando et Lance, mais oui, je le suis."
"Et je me mets de la pression pour faire le meilleur travail possible. J’ai pu obtenir de bons résultats, et je ne sens plus le besoin de prouver mes capacités au monde extérieur. Mais ça n’a jamais été ma motivation première, qui a été de faire le meilleur travail possible."
Comment Stroll a convaincu Newey
Lawrence Stroll reconnait qu’il a joué la carte de la visite des lieux pour convaincre Newey, car il voulait lui montrer l’ampleur des travaux. Le PDG d’Aston Martin a donc effectué une visite avec Newey pour lui montrer le potentiel des infrastructures.
"C’était énorme, car il est difficile d’imaginer ou d’expliquer ce que sont ces trois bâtiments incroyables sans les visiter, car ils sont ce qui fera de nous une équipe capable de gagner les titres. Nous n’aurons pas pu gagner les titres mondiaux avec nos anciens outils" indique Stroll.
Même s’il ne connaissait pas le fonctionnement de l’équipe, Newey a rapidement compris l’ampleur des dépenses auxquelles avait consenti Stroll : "Les bâtiments sont incroyables, mais c’est surtout une démonstration de l’implication et de la vision sur ce que Lawrence veut faire de l’équipe. Je ne sais pas combien ça a coûté, mais ce n’était pas donné !"
"Je trouverai d’autres moyens de lui faire dépenser son argent dans le cadre du plafond budgétaire, mais cela montre surtout la vision que Lawrence a pour l’équipe. Si je devais décrire Lawrence en une phrase, c’est qu’il a une vision et qu’il est capable de miser tous ses jetons sur le noir."
Le Canadien a ainsi tenu à répondre en ajoutant un trait d’esprit : "En l’occurrence, sur le vert !"
Newey "aura le choix" pour la structure technique
Stroll a été interrogé sur la manière dont il voulait articuler le département technique, et a répondu que c’était justement le rôle de l’ingénieur : "Comme je l’ai mentionné plus tôt, Adrian sera le leader de l’équipe technique, donc je lui laisserai le choix de la structure car il est bien plus équipé que moi pour s’en occuper."
La question du salaire de Newey - estimé à 30 millions de livres annuel - a été abordée, mais Stroll a tenu à voir le sujet différemment : "Ce n’est pas un investissement, il est actionnaire et partenaire. C’est le meilleur partenaire qu’on puisse amener à l’équipe, on a l’intention d’être ici ensemble pour longtemps, et ce n’est pas si cher compte tenu de tout ce qu’il amènera à l’équipe."
Enfin, il a révélé que l’équipe avait salué l’arrivée de Newey de manière très enthousiaste ce matin : "Ce que nous avons vu, c’est une explosion d’applaudissements. Je n’ai jamais vu de niveau d’excitation si élevé lors d’une annonce depuis que je suis ici, nous n’avons jamais fait d’annonce de cette magnitude."