En recrutant Fernando Alonso pour 2021, Renault F1 a fait le choix de la nostalgie, évidemment, et du marketing qui va avec, puisque l’alliance de l’Espagnol et de l’équipe française résonne encore comme étant celle qui a apporté deux titres mondiaux au pilote et au team.
Cette décision prise pour remplacer Daniel Ricciardo, en partance chez McLaren, a suscité de nombreuses réactions attristées envers les pilotes de la Renault Sport Academy, dont deux sont en Formule 2 actuellement.
Guanyu Zhou y dispute en effet sa seconde saison avec UNI-Virtuosi, tandis que Christian Lundgaard vient d’arriver chez ART Grand Prix. Septième de sa première année dans la discipline, Zhou a montré des progrès solides, qui ont semblé se concrétiser en Autriche le week-end dernier, sans pour autant que l’on sache quel niveau il affichera sur un exercice complet.
Du côté de Lundgaard, il est vrai annoncé en début d’année comme le favori en cas de départ de Ricciardo, sa seule année en F3 a été correcte, avec un podium en course principale en Espagne et une victoire en course principale en Hongrie, mais sa sixième place au championnat n’en fait pour le moment pas un favori pour un volant d’usine en F1.
Et c’est bien là que la décision de Renault est compréhensible : On ne parle pas seulement d’un accès à la Formule 1, mais aussi d’un volant dans une équipe d’usine, aux ambitions élevées et à l’engagement renouvelé à long terme, et de deux pilotes qui n’ont même pas leur Superlicence pour le moment.
Avec une huitième place en F3 et une septième place en F2, Zhou n’a encore pas atteint le niveau que Renault aurait aimé le voir atteindre, et il en va de même pour Lundgaard, puisque les deux hommes étaient attendus au tournant par Renault en ce début de saison 2020 pour une évaluation plus poussée.
Et c’est là que s’est dressé le principal obstacle pour eux, puisque la crise du Covid-19 a retardé le début de la saison, et la possibilité pour l’équipe de surveiller la progression de ses deux membres les plus éminents de l’académie, comme l’a confirmé Cyril Abiteboul.
"C’est une question importante, je m’attends à ce que notre décision d’engager Fernando soit vue comme un manque d’intérêt et de loyauté à notre propre projet de la Renault Sport Academy" a déclaré le Français.
"Mais ce n’est pas le cas, je veux être très clair sur le fait que ça ne l’est pas. Le plan de l’académie était d’avoir un pilote en mesure de rejoindre la F1 en 2021. Et qui sait, ça pourrait être le cas. Mais voyons les choses en face, la crise a eu plusieurs impacts sévères, et l’un d’entre eux est le retard du début de saison, et le retard quant à notre capacité à juger les performances des deux plus vieux membres de l’académie, Guanyu Zhou et Christian Lundgaard."
Abiteboul le confirme, ils sont tous les deux en lice pour un volant en F1 dans les prochaines années, et ont encore le temps d’y parvenir, étant âgés respectivement de 21 et 18 ans.
"Tous les deux ont fait un très bon week-end en Autriche, Zhou aurait pu gagner la course et Christian a terminé quatrième de sa première course sans essais hivernaux. Nous sommes très sérieux au sujet de l’Académie, très sérieux au sujet de ces deux pilotes, et le plan reste de voir comment ils pourront rejoindre la F1. Je suis sûr que Fernando et Esteban pourront aussi contribuer à leur développement."
Mais rejoindre la F1 ne signifie pas forcément y accéder par les portes de Renault. Bien sûr, il sera difficile de les placer dans une autre équipe puisque Renault n’aura plus de client pour ses moteurs dès l’an prochain, mais tout miser sur eux actuellement était clairement prématuré.
Quant au cas Jack Aitken, qui a de toute façon quitté Renault pour un pote de pilote de développement chez Williams, il est difficile de penser que Renault aurait pu lui confier une voiture en se basant uniquement sur ses 11e et cinquième places au classement en F2.
Certes, les monoplaces 2020 n’évolueront que peu en 2021 et Zhou comme Lundgaard auraient pu s’entraîner dans le simulateur et en essais libres pour parfaire leur préparation, mais les pilotes titulaires l’an prochain auront une charge supplémentaire avec la préparation de 2022.
En effet, la révolution technique arrivera dans deux ans et en 2021, les équipes devront développer une toute nouvelle monoplace, sur laquelle Renault a déjà avancé. Et si Esteban Ocon possède une expérience non négligeable de travail de développement avec Mercedes, l’associer à un débutant aurait clairement été un pari très risqué pour quelques mois qui vont déterminer le niveau de compétitivité de Renault dans les prochaines années.
Effectuer la transition avec Alonso et Ocon, préparant au passage un autre jeune pilote à devenir le leader de l’équipe dans les années qui suivront, sera donc une alternative bien plus solide pour Renault, tout en permettant à ses jeunes pousses de redoubler en F2 ou d’explorer, pour un an ou deux, la Super Formula ou l’IndyCar, s’ils ont démontré leur talent dans l’antichambre de la F1.