En vue d’économiser le nombre de pneus apportés sur un week-end de Grand Prix, et ainsi de faire du bien aux budgets des équipes comme à la planète, la F1 va tester un nouveau format d’allocation pneumatiques en qualifications.
Lors de trois Grands Prix cette année (des Grands Prix distincts des courses sprints), avec un premier test dès le Grand Prix d’Imola, sera ainsi testé un format plus original.
En Q1, les pilotes seront obligés de choisir des pneus durs, en Q2, des médiums et en Q3 des tendres. Le nombre de trains par week-end de Grand Prix passera ainsi de 13 à 11…
Les pilotes se sont d’ailleurs dit inquiets de cette évolution, eux qui ont l’impression de manquer d’ores et déjà de pneus le week-end (voir notre article) !
Mario Isola, le responsable de Pirelli pour la F1, a alors tenu à répondre à ces inquiétudes – en mettant en avant l’argument écologique. Il dévoile les raisons et motivations profondes derrière cette évolution…
« La Formule 1 a mis en place un plan de développement durable qui prévoit d’analyser chaque détail - afin de trouver un moyen de rendre le sport plus durable et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2030. »
« C’est le plan, et c’est un long voyage, nous savons qu’il y a beaucoup à faire. Une partie de la discussion a porté sur la manière de réduire le transport de matériels, le fret, car la logistique en Formule 1 - dans tout championnat de sport automobile - joue un rôle important dans les émissions de CO2. Au cours de cette discussion, il a été proposé de réduire le nombre de pneus. »
« Évidemment, ce n’est pas facile, car la situation actuelle fonctionne bien : il y a suffisamment de pneus pour les essais libres, les qualifications et la course. Mais nous devions trouver un moyen de réduire le nombre de pneus. Nous devions donc prendre une décision intelligente, à savoir procéder étape par étape, afin de ne pas nuire au spectacle, par exemple en testant un format qui ne fonctionnera pas. »
« Dans la situation actuelle, il y a un certain nombre de pneus qui sont utilisés pour les essais libres, et un certain nombre de pneus qui sont mis de côté pour les voitures qui n’atteignent pas la Q3 aussi. »
« Dans les essais libres, avec une allocation actuelle de deux, trois, huit - deux durs, trois mediums, et huit tendres, la plupart des équipes se concentrent sur les qualifications, ils veulent le nombre minimum de trains de pneus pour les qualifications. »
« Évidemment, les pneus convenant pour les qualifications sont les tendres, parce qu’ils ne veulent pas prendre le risque de faire une erreur en qualification, mais le problème est qu’ensuite vous arrivez à la course… et alors, vous n’avez plus peut-être qu’un seul train de pneus durs, un train de pneus médiums et beaucoup de trains de pneus tendres qui sont inutiles pour la course. »
« En discutant de cela, nous avons dit qu’il était bon de garder un lien entre les qualifications et la course, mais y a-t-il un autre moyen d’avoir une meilleure répartition des composés pour la course ? »
« L’idée était de rester sur les six trains de pneus... mais pourquoi ne pas imposer l’utilisation des durs pour la Q1, les mêmes pour tout le monde ? Deux trains, plusieurs tentatives, parce qu’avec le composé dur, ce n’est pas seulement deux tours, c’est plus. »
« Ensuite en Q2 et Q3, avec les tendres et les médiums, vous avez une progression dans les temps au tour, vous avez la possibilité de faire au moins deux tentatives, si vous aimez cela.
« Ensuite, pour la course, vous avez deux trains de chaque pneu disponible. Vous pouvez donc faire n’importe quelle combinaison, vous pouvez décider d’avoir une stratégie en deux arrêts aux stands, avec médiums-médiums-tendres ou durs-médiums, avec un seul arrêt. »
« Par exemple [à Bahreïn], Red Bull n’a pas été en mesure d’avoir une stratégie tendres-durs-durs parce qu’ils ont décidé d’utiliser le deuxième train de durs le samedi matin, de sorte qu’ils n’avaient qu’un seul train disponible. »
Imola devrait être le premier Grand Prix de test pour ce format : et ensuite ? Mario Isola ne précise pas encore...
« Il y a quelques courses qui, je pense, seront annoncées bientôt. Et, lors de ces courses, nous le testerons, ce format. Mais je ne vois aucune raison pour que cela ne fonctionne pas. »
L’influence du Covid
Un autre élément, outre la neutralité carbone, a compté dans la mise en place de cette mesure : la période de Covid.
En 2020, Pirelli, face aux dilemmes logistiques, avait imposé aux équipes une allocation spécifique de pneus par Grand Prix, alors que le choix était libre par le passé, rappelle Mario Isola…
« Durant le Covid, il était alors impossible de prédire ce qui allait se passer et il avait été décidé de supprimer cette liberté… »
« En 2021, nous avons dit aux équipes que si elles voulaient revenir à la situation précédente, où elles choisissaient les trains de pneus, cela nous convenait - si nous avons le temps de produire et d’expédier les pneus, ce n’est pas un problème pour nous. »
« Les équipes ont dit non, elles préfèrent rester dans la situation actuelle avec une allocation fixe parce que, dans le passé, elles avaient des personnes qui se consacraient à l’élaboration de l’allocation de pneus. Il s’agissait donc d’un coût supplémentaire. Dans la situation actuelle, avec une sélection fixe, ils ont ce qu’ils ont, puis ils font un plan pour le week-end de la course et non pas à l’avance. »
Isola face aux doutes des pilotes
En dépit de tous ces arguments, les pilotes ont donc opposé un accueil glacial à ce format...
Mario Isola est-il bien sûr que ce format économique marchera donc ? Est-il ouvert à des évolutions dans le cas contraire ?
« Nous ferons une évaluation évidemment, ce type de calcul doit être certifié par des tiers pour être contrôlé. »
« Nous travaillons à la réduction des émissions à chaque étape du cycle de vie du pneu et nous serons neutres en carbone à partir de 2023. »
« Chaque fois que nous discutons de nouvelles propositions, les équipes et les pilotes veulent de plus en plus de pneus, plus de choix et tout cela, mais ce voyage vers la durabilité a été convenu, impliquant tout le monde, et nous devons l’accepter. »
« Si nous devons apporter des modifications, nous devons le faire. Nous ne voulons pas nuire au spectacle. Car aujourd’hui, la Formule 1 a beaucoup de succès. Nous avons de très bonnes courses, nous avons beaucoup d’action. »
« Je ne vois pas comment nous pourrions avoir une situation pire tant que, pour la course, ils ont exactement les mêmes pneus. Ou, mieux encore, parce qu’ils ont plus de flexibilité dans le choix des pneus. Je ne vois pas pourquoi. »