Il est un élément clef de Red Bull Racing, au point que son nom ait été un temps évoqué pour, éventuellement, prendre la succession d’un Christian Horner affaibli : il s’agit de Paul Monaghan, l’ingénieur en chef de Red Bull.
Monaghan a une formation de designer : c’est par exemple lui qui, chez McLaren F1, dans les années 1990, avait désigné les pédales de Gerhard Berger (un pilote grand qui devait avoir des pédales adaptées). C’est d’ailleurs ce qui valut à Monaghan son surnom dans le paddock (M. Pédalier).
Discret mais essentiel, Monaghan, récemment prolongé par Red Bull, a décrit auprès de GP Blog, non sans humour et modestie son rôle actuel à Milton Keynes.
« Je pense que j’étais la moins mauvaise alternative ! C’est un grand privilège d’être ici. »
Mais en quoi consiste au quotidien le rôle d’un ingénieur en chef, dans la F1 d’aujourd’hui ? Monaghan peut-il raconter les détails de son rôle chez Red Bull Racing ?
« On ne sait jamais vraiment à quoi on va être confronté. On apprend toujours quelque chose. J’ai le grand privilège d’avoir un rôle assez large. Ainsi, tout ce qui nécessite de l’attention reçoit de l’attention. Et c’est un bon défi. On peut être un peu débordé. »
« Il s’agit de court terme et de long terme. De régler des problèmes. D’essayer d’aider la voiture à évoluer. Essayer de l’améliorer de toutes les façons possibles. Qu’il s’agisse de fiabilité, de performances, de tout ce que nous pouvons faire sur le plan opérationnel pour l’améliorer. Cela n’a pas d’importance. C’est une course contre neuf autres équipes. Et cette course ne ralentit pas, ne s’apaise pas. Personne n’a de sympathie pour les autres. Il faut donc tirer le meilleur parti de ce que nous avons chaque semaine. »
« Par exemple, les voitures actuelles, comme vous avez pu le constater, sont particulièrement sensibles à la hauteur de caisse, ce qui correspond à une voiture à effet de sol. Il s’agit donc d’une évolution qui nous a permis d’apprendre ce que nous pouvions faire avec la génération précédente de voitures, principalement en ce qui concerne la hauteur de caisse à l’avant. Aujourd’hui, nous avons tiré les leçons de cette expérience et nous les appliquons à une plus grande partie de la voiture. Voilà donc un exemple. »
« Il faut toujours examiner la situation et se demander si l’on en tire le meilleur parti. La plupart du temps, c’est le cas, mais s’il nous manque quelque chose, il se peut que nous trouvions quelque chose et que nous l’améliorions. Si vous trouvez de petites améliorations, faites-les dès que vous le pouvez. »
Monaghan n’est pas dans le bureau d’Adrian Newey ou de Pierre Waché pour concevoir les pièces. Son rôle est plus opérationnel, mais ses liens avec l’équipe technique de Red Bull sont décisifs.
« Nous devons faire des commentaires à l’équipe technique. Cela peut se faire en temps réel pendant les séances si c’est immédiat et sérieux. Cela peut être après un Grand Prix. Vous pouvez attendre la prochaine fois que des changements plus importants seront apportés à la voiture. C’est ce qui rapporte le plus à court et à long terme à l’équipe, c’est ce qu’il faut retenir. »
« Je pense que la qualité aérodynamique générale de notre voiture est plutôt bonne. Elle évolue depuis plus d’une décennie pour devenir de plus en plus performante. Et regardez la qualité des pièces que nous recevons maintenant. C’est fantastique. Cela ne veut pas dire que nous nous arrêtons et que nous nous disons "oh, c’est assez bon". On peut encore apprendre davantage. Il y a encore d’autres choses à voir. Pour éviter les erreurs. »
L’importance du rôle de l’ingénieur en chef se perçoit aussi par contraste : par exemple, lors de l’abandon de Max Verstappen en raison de la défaillance d’une pièce, à Melbourne cette année (simple vis mal serrée sur les écopes de frein).
« Si je regarde ce qui s’est passé en Australie, le point culminant [des erreurs] a commencé le vendredi. C’est toute une série d’événements qui doivent se produire dans un ordre approprié. Et à aucun moment nous n’avons réussi à l’interrompre. Il faut donc en tirer les leçons. C’est peut-être une leçon amère, mais nous en tirerons les leçons en tant qu’équipe lorsque nous irons de l’avant. »
Comment donc faire pour évaluer concrètement l’apport réel ou non d’une pièce sur la piste ? Monaghan donne un exemple concret.
« Permettez-moi de vous mettre en situation. Vous êtes ingénieur de course. Vous avez un nouveau plancher, un nouvel aileron avant et peut-être un nouveau beam wing. Prenons quelques exemples. Vous pouvez effectuer un travail de simulation pour déterminer comment le comportement de votre voiture va changer par rapport à la course précédente. La première chose à faire est de faire rouler cette pièce dans différentes conditions en EL1 et de se dire : OK, avec quoi je travaille ? »
La F1, une course au développement permanente
Même si Red Bull a écrasé la F1 ces deux dernières années, Monaghan explique, en somme, que la F1, c’est comme le vélo : quand on arrête de pédaler, on tombe !
« Je ne peux pas influencer ce que fait Ferrari. Je ne peux pas influencer ce que font les Mercedes. Nous sommes maîtres de notre destin. Si la voiture s’arrête au cours d’une séance, nous ne pouvons plus en tirer de leçons. Nous pouvons apprendre ce qui est cassé sur la voiture ou pourquoi elle s’est arrêtée. Mais nous ne pouvons pas nécessairement la développer et la faire évoluer. C’est alors que nous en payons le prix. »
« Je me souviens avoir assisté à une conférence de presse à Monaco il y a quelques années, et quelqu’un m’a dit : Où allez-vous vous qualifier demain ? Eh bien, je ne sais pas. Mais vous êtes les plus rapides maintenant, m’a-t-on répondu. Cela ne veut rien dire. Je ne peux pas vous dire que Ferrari va trouver un dixième, deux dixièmes, trois dixièmes là. Et donc quel sera leur rythme samedi. Tout ce que vous pouvez faire, c’est travailler avec ce que vous pouvez contrôler. Et il s’agit de nos deux voitures et de notre équipe. Si vous n’en tirez pas le meilleur parti, nous aurons perdu en performance. Et si les autres sont meilleurs que nous, alors nous devons nous regarder en face. Nous ne pouvons pas reprocher à Ferrari d’être rapide ou lente. »
Le défi de Monaghan se complexifiera encore en 2026 : quand Red Bull deviendra son propre motoriste avec Red Bull Powertrains. Cela fera un défi supplémentaire à gérer... Mais Monaghan a très hâte de le relever.
« Si vous regardez tout ce que Red Bull investit, il serait certainement merveilleux de pouvoir rivaliser avec son propre moteur. C’est un autre domaine nouveau pour nous où nous pouvons apprendre de nouvelles choses. Nous avons plus de contrôle sur notre propre avenir. C’est ce qu’il y a de mieux pour moi en ce moment.’ »