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Prost et l’affaire du ‘camion Ferrari’ : personne n’a jamais vu l’interview !

Il y avait beaucoup trop de politique chez Ferrari

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« Je n’ai jamais conduit une voiture aussi mauvaise ».

Le Grand Prix du Japon 1991 fut celui de trop pour Alain Prost. Le Professeur, pour sa deuxième saison chez Ferrari, était tombé de haut : contrairement à l’année précédente, la voiture rouge n’était plus capable de jouer le titre et se retrouvait loin derrière McLaren et Williams en performance pure.

Prost assistait ainsi impuissant au duel Senna/Mansell pour le titre ; à Suzuka en 1991, il finit à une minute du vainqueur Gerhard Berger.

Les luttes politiques n’avaient rien arrangé : Prost lui-même avait plongé dans le panier de crabes transalpin en essayant de placer ses fidèles au sein de la direction, tout en prenant des responsabilités de management aussi.

A Suzuka 1991 donc, c’en était trop : et Prost prononça des paroles qui lui seraient fatales.

« Hier avec le plein d’essence » poursuivit-il, « nous avons constaté que la direction se bloquait complétement dans les grandes courbes, c’est un problème mécanique très grave qui s’est amplifié au cours de la saison. Disputer un Grand Prix dans ces conditions est très éprouvant, je n’avais pas l’impression d’être un pilote de F1, car un bon chauffeur de camion avec de gros bras aurait pu faire aussi bien. »

« Camion » : le mot était prononcé. La presse italienne, fidèle à sa réputation, déforma les propos de Prost qui aurait assimilé la Ferrari à un camion. Ce n’était pas exactement ça, mais ce fut le prétexte idéal pour Fiat pour notifier le limogeage immédiat du pilote – qui ne disputerait pas même le dernier Grand Prix en Australie.

Finalement, ce licenciement de Ferrari fut presque une bonne nouvelle pour Prost : il prit une année sabbatique et revint pour un dernier titre en 1993, chez Williams, écrasant les Ferrari au passage…

Pour le podcast "Beyond the Grid", Prost est revenu sur cette annus horribilis… et notamment sur cette fameuse interview dont personne ne retrouvait trace ! Le texte fut un prétexte…

« Ne me demandez pas, ça va être trop long je pense de parler de Ferrari en 1991 ! Mais à la fin avec le ’camion’... c’est quelque chose que les gens ne comprennent pas et je vais expliquer dans mon documentaire à venir – pour montrer exactement ce qui s’est passé. »

« Mais vous savez, la seule chose que je peux faire lorsque vous me parlez du "camion", c’est répondre la même chose qu’à tout le monde. Avez-vous déjà écouté l’interview où je parle du camion ? Citez-moi une personne qui ait vu l’interview sur le camion dans votre vie de Formule 1 au cours des trente dernières années. Si vous me montrez quelqu’un qui a vu l’interview du camion, je vous en prie, présentez-le moi. »

« Non. Non, j’étais complètement apolitique et ils ont saisi cette opportunité. Je parle du camion pour une seule raison. Mais je n’ai souri qu’à mon ingénieur de course de l’époque, Luigi Mazzola. Parce que j’ai touché la voiture au début de la course, dans le premier virage, et la direction était tordue et très lourde. C’était donc peut-être l’une des meilleures courses de ma vie à Suzuka. J’ai terminé quatrième, je me souviens que Jean a terminé sixième et je ne pouvais pas faire mieux. »

« J’ai montré aux gens qui étaient là : "Vous voyez, c’était tellement incroyable et vous ne pouviez pas bouger la direction". Et ils m’ont dit, vous savez, qu’est-ce que je peux faire ? »

« J’avais l’impression de conduire un camion et de voir ça, mais c’était plus pour être drôle. Mais ils ont utilisé cela parce qu’au même moment, j’avais plus qu’une discussion sur mon contrat avec Henry Peter, qui était l’avocat de Ferrari, parlant de mon rôle de pilote et de directeur sportif à ce moment-là pour la saison 1992. Et il est certain que cette décision ou ce mouvement n’a pas plu à beaucoup de gens. Et ils ont utilisé cela mais, vous savez, ils ne l’ont jamais vue, cette interview. »

Prost raconte alors des négociations ubuesques avec le grand patron…

« Lorsque nous avons entamé les négociations [de licenciement], vous savez, avec l’avocat, nous nous sommes assis autour d’une table. Je me souviens que Luca di Montezemolo était là, la voiture venait d’arriver, et j’ai dit, ok, avant de commencer, montrez-moi l’interview. Et ils n’ont pas pu, parce que cette interview avait été interdite et bannie dès le premier jour, vous savez, et personne ne l’a vue. Personne. Et si vous la voyiez, vous comprendriez évidemment. »

L’affaire du ‘camion’ marquera de manière indélébile le passage de Prost chez Ferrari : et c’est bien dommage car l’histoire finie en queue de poisson (ou de camion) avait commencé comme une histoire d’amour.

« Dans ma carrière, c’était vraiment mauvais parce que j’aime Ferrari. La saison 1990 était incroyable, comme un rêve. Et je regrette vraiment que nous n’ayons retenu que ce problème, ces déclarations sur la Ferrari, le fait que Prost ait parlé de ‘camion’, ce qui n’était pas vrai. Je voulais le meilleur pour l’équipe. Je veux toujours ce qu’il y a de mieux. »

« C’est incroyable d’avoir cette marque, Ferrari, dans un pays comme l’Italie. Et vous faites toujours partie de la famille Ferrari, quand vous en faites partie, mais vous l’oubliez. Mais ce que j’ai vécu est assez incroyable parce que je n’arrivais pas à croire que l’on pouvait vivre ce genre de situation, parce qu’il s’agit de quelque chose qui se passe dans les coulisses, vous savez, et qu’il n’y a rien que l’on puisse faire. »

Un retour chez Ferrari était envisagé pour 1992

Même après cet épisode rocambolesque, Ferrari semblait déjà regretter sa décision : et on discutait déjà d’un retour entre la direction de Ferrari et Prost...

« Deux, trois semaines après le Japon, vous savez, quand j’étais déjà en Australie... Deux, trois semaines après avoir rencontré Luca di Montezemolo - parce qu’il venait d’arriver - nous parlions déjà de mon retour. »

« Mais il était trop tard parce que nous avons entamé le processus et j’ai pensé que ce n’était pas bon. J’avais déjà eu des contacts avec Frank, Williams et Renault. J’ai donc dit d’accord, laissez tomber. Mais il s’en est fallu de peu. »

L’année 1992 fut encore pire pour Ferrari, qui finit 4e au classement des constructeurs ! Finalement, Ferrari n’a-t-elle pas rendu service à Prost ?

« Honnêtement, je vais avoir mon moment de fierté et peut-être pas trop d’humilité. Mais tout ce que j’ai dit était plus ou moins correct. Vous savez, il n’y a pas moyen de savoir que vous alliez dans la mauvaise direction. »

« Mais il n’y a rien, l’affaire du camion était complètement différente, vous savez ? Je veux dire que je travaillais très dur pour rendre Ferrari compétitive. Mais il y avait trop de politique. Beaucoup trop. »

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