Alors que Ferrari avait pu remporter trois victoires en 2019, en réussissant au passage 9 poles (Charles Leclerc en signant plus que tout autre pilote), qui aurait prédire que Maranello finirait, non pas 2e, non pas 3e, mais 6e au classement des constructeurs en 2020 ? Soit le pire résultat de la Scuderia en 40 ans… Peu de monde assurément.
Et pourtant, le « retour dans la légalité » du bloc Ferrari a eu des conséquences en chaîne : vitesse de pointe anémique, trainée horrible, aérodynamique peu adaptée…
Qui l’avait vu venir ? Mattia Binotto. C’est du moins ce qui transparaissait des déclarations si peu optimistes du directeur d’écurie après les essais de Barcelone.
Peu de monde le crut sur le moment : car il faut se souvenir que début 2019, Ferrari avait au contraire pêché par enthousiasme en faisant des déclarations très optimistes. Du même coup, il était possible de croire, pour ne pas répéter les erreurs passées, que Ferrari serait cette fois-ci volontairement pessimiste…
Tout début mars, Mattia Binotto annonçait pourtant la couleur : « Oui, je ne pense pas que nous serons en position de décrocher la victoire là-bas [à Melbourne.]. »
Sebastian Vettel se montrait également pessimiste, en assurant que Ferrari n’avait pas « laissé la meilleure impression » aux essais de Barcelone.
« Nous sommes plus lents dans les lignes droites et il y a du travail là-dessus, mais nous en sommes conscients. Comme nous l’avons dit, l’objectif était de mettre plus d’appui sur la voiture. Le secteur 3 de Barcelone est donc mieux, mais on est moins bien en ligne droite. Dans les virages, vous sentez la différence. »
Mais Vettel avait du mal à cerner toute l’ampleur des dégâts face aux Mercedes : « Il semble que Mercedes soit plus à l’aise, non seulement sur un seul tour, ce qui est évidemment ce que les gens regardent, mais aussi, en général, pour les relais plus longs. Nous avons aussi eu des relais qui étaient meilleurs, d’autres qui étaient pires, donc c’est un peu difficile à dire – cela dépend de l’heure de la journée, de l’état de la piste. »
Pourtant plusieurs patrons, comme Andrew Green ou Christian Horner, accusaient Ferrari de cacher son jeu.
« Pour moi, il me semble qu’ils cachent quelque chose jusqu’au bout » estimait alors, à tort, Christian Horner depuis Milton Keynes. « Il faut dire qu’ils ont créé tellement d’attentes l’an dernier après les essais hivernaux. On dirait donc qu’ils veulent faire tout le contraire cette année. »
Ce à quoi Mattia Binotto répondait (toujours juste après les essais de Barcelone) : « Honnêtement, je ne comprends pas ceux (Christian Horner, ndlr) qui disent ça. Je connais notre situation et ça me suffit. Est-ce qu’on essaye de cacher notre vraie vitesse ? Non, je ne pense pas. Nous avons connaissance de notre programme, de notre quantité d’essence, mais pas ce qu’il se passe chez les autres. Je ne suis pas dans leur réservoir. En termes de performance globale sur la puissance, et de puissance moteur, nous ne sommes pas aussi forts que nous l’étions l’an dernier. Comme je l’ai dit, nous nous sommes concentrés sur la fiabilité et ça a en quelque sorte compromis la performance. Mais la traînée aérodynamique affecte de manière significative la vitesse de pointe. »
Mattia Binotto avait en tout point raison : Ferrari serait bien derrière. Il avançait alors l’excuse de la fiabilité, mais omettait bien sûr de mentionner les conséquences de l’accord secret Ferrari/FIA, une grande polémique de début d’année.
Toto Wolff de son côté, était comme beaucoup : il voyait bien que la Ferrari était derrière, mais refusait d’y croire encore fin février. « C’est plus facile d’analyser Red Bull. Ils ne jouent pas avec l’essence. Nous les pensons tout de même un peu plus forts que Ferrari mais je ne sais pas à quoi joue la Scuderia avec son moteur. Nous verrons à Melbourne. »
Parmi les observateurs, certains avaient vu juste dans la chute annoncée de la Scuderia. Bernie Ecclestone était de ceux-là : « Selon moi, la Ferrari n’est clairement pas assez bonne. Mais, comme des millions de fans, j’espère être surpris. »
D’autres s’étaient au contraire largement trompé, à l’image de l’ancien pilote et patron du GP des Pays-Bas Jan Lammers : « Ferrari doit être dans le top 3, ils y sont obligé. Ils n’ont pas montré cela à Barcelone. Mais je pense qu’on peut s’y attendre en Australie. Red Bull a effectué tout son programme à Barcelone sans souci et, selon moi, ils sont en meilleure forme que ce qu’ils ont montré. Mercedes pourrait bien trouver, je crois, que c’est difficile d’avoir un 7e titre. C’est peut-être l’année de Red Bull et Max Verstappen qui commence. »