Ce fut la double peine pour Red Bull et Sergio Pérez au Grand Prix de Monaco. Lorsque le Mexicain crasha sa voiture dans les rues de la Principauté, sa monoplace dut être soulevée par une grue… dévoilant ainsi le fond plat ultra-performant (et ultra-secret) de la RB19.
Les photographes, et surtout les aérodynamiciens des autres équipes, ne ratèrent pas cette occasion unique de découvrir les secrets de la voiture la plus performante du plateau.
Une pareille mésaventure était arrivée à David Coulthard et McLaren en 1998. À Barcelone, l’Ecossais avait aussi permis aux photographes d’immortaliser le plancher de la F1 argentée… et une autre création de Newey était dévoilée sous tous ses aspects.
Mais c’était surtout le patron de l’équipe, le redoutable Ron Dennis, qui était furieux. Coulthard se rappelle d’une scène qui en dit long sur le caractère de l’ancien boss de Woking !
« Ron était méticuleux dans sa préparation, dans sa façon de travailler et dans ses attentes à l’égard de l’équipe. Mais lorsqu’on le croisait, il fallait évidemment respecter le fait qu’il avait fourni des efforts considérables [pour faire grandir l’équipe]. »
« Je me souviens qu’en 1998, alors que nous avions une voiture particulièrement rapide, j’ai fait un tête-à-queue à Barcelone au virage 4 pendant les essais libres. Les fans savent que le Saint Graal pour le photographe est une photo prise depuis le plancher de la voiture, car le plancher génère une grande partie de l’appui aérodynamique. »
« Je me suis donc retrouvé coincé dans les graviers, j’étais à la radio - le team manager à l’époque, Dave Ryan, m’a dit, ‘Reviens dans les stands’ [à pied]. »
« Je suis sorti de la voiture et quand je suis arrivé aux stands, Ron est descendu du muret des stands. Il me dit : "Pourquoi n’es-tu pas resté avec la voiture ?", ce qui était une façon pour le pilote de s’assurer que les photographes ne s’approchaient pas trop de la voiture et tout le reste. »
« Ma réponse, un peu puérile, a été : "Demande à ton team manager", parce qu’il n’avait manifestement pas écouté les instructions. Quoi qu’il en soit, la séance s’est terminée. »
« Puis, une dizaine de minutes avant le début de la séance suivante, Dave Ryan est venu me voir et m’a dit : "Il faut qu’on aille voir Ron". J’ai répondu : "Je suis dans la voiture dans quelques minutes". Il m’a répondu : "Non, tu ne comprends pas, nous devons aller voir Ron". »
« Nous sommes donc allés à son bureau dans le motorhome. Ron était assis là, à déplacer des documents, à s’assurer que tout était bien aligné et à rassembler ses idées. Il se lance alors dans une réflexion du genre : "Quand je t’ai demandé pourquoi tu n’étais pas avec la voiture, tu ne me réponds pas : ‘Demande à ton team manager’" – tu commences par ne pas quitter la voiture. Ce sont les règles. Nous en avons discuté"... bla, bla, bla, il continue pendant plusieurs minutes, puis finit par s’arrêter. »
« Dave Ryan m’avait déjà demandé de ne rien dire, alors je ne dis rien. Il arrive à la fin et me dit : "Tu n’as rien à dire ?" Je suis resté assis là parce qu’on m’avait dit de ne rien dire, mais ce que je voulais dire, c’était : "C’est fini ?". »
« Parce que, pendant qu’il râlait, les essais libres avaient commencé. Et ma voiture est au garage parce que je me fais engueuler pour ne pas être resté avec la voiture lors de la séance précédente. J’ai donc fini par dire ’Non, rien à dire, désolé, Ron’, et j’ai fini par remonter dans la voiture. »
« Mais cela s’est vu... il a attendu le dernier moment pour me donner une correction. Même si cela allait coûter du temps de piste à l’équipe, il savait que cela allait vraiment résonner en moi en tant que pilote, car j’avais envie d’être sur le circuit. C’était donc une expérience inhabituelle. »
Coulthard compare Dennis, Frank Williams et Horner
David Coulthard a couru aussi dans des équipes dirigées par d’autres grands noms du sport, comme Sir Frank Williams et Christian Horner.
Sir Frank Williams était-il par exemple une personnalité assez froide et distante avec les pilotes ?
« Ce sont des personnalités différentes, incroyablement différentes. Il y a le handicap évident que Sir Frank a dû gérer et surmonter. Il était très inspirant de voir comment la puissance de son esprit était en fin de compte la puissance de ses qualités de leader. »
« Il a vraiment donné une chance aux jeunes pilotes. De nombreux jeunes pilotes inexpérimentés de Formule 3 et de Formule 3000 se voyaient confier le rôle de pilote d’essai, ce qui lui permettait d’apprendre s’ils étaient suffisamment bons et de découvrir les futurs talents. Frank était un racer jusqu’au bout des ongles et j’ai toujours respecté cela. »
Quant à Christian Horner, son style de management récolterait aussi les lauriers de Coulthard.
« Christian a toujours été très ferme, mais juste. »
« Il n’a changé de tactique qu’une seule fois, lorsque Mark [Webber] et moi nous battions pour les points en Chine, et il a dû avoir une discussion très ferme avec nous deux lors du débriefing après le Grand Prix. »
« Mais sinon, il a été assez direct dans son approche et ses attentes. »