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Reutemann, le mal-aimé de Frank Williams

Retour sur une cohabitation très difficile

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Carlos Reutemann, disparu cette semaine, restera comme l’un des « champions sans couronne » célèbres de la F1, ayant marqué la discipline par sa combativité et une certaine classe à l’ancienne.

C’est avec Williams que l’Argentin connut son meilleur classement dans un championnat du monde (2e en 1981), mais pourtant, et c’est le paradoxe de sa carrière, jamais une équipe ne lui fit avaler de telles couleuvres.

Car si Frank Williams était un grand directeur d’écurie, il était aussi très froid et difficile à vivre avec ses pilotes. En réalité, l’homme de Grove avait décidé, depuis la disparition de Piers Courage en 1970, de ne plus lier aucun sentiment affectif avec ses pilotes, pour éviter tout nouveau déchirement. C’est pourquoi il avait donc des relations utilitaires, professionnelles avec ses pilotes, mais guère chaleureuses.

Frank Williams décidait ainsi en début de saison de l’identité du pilote numéro 1 et du pilote numéro 2, et gare à celui qui contesterait ses choix. Reutemann en fit l’amère expérience.

1980 : Reutemann bon soldat

En 1980 l’Argentin arrivait donc de chez Lotus, déçu de constater que l’équipe de Chapman avait été finalement rattrapée et distancée dans la maîtrise du révolutionnaire effet de sol (qui fera d’ailleurs son grand retour en F1 l’an prochain).

Williams était une de ces équipes ayant prouvé sa maîtrise de la nouvelle technologie et en effet en 1980, pour la première fois, l’équipe allait pouvoir remporter le titre mondial. Cependant c’était bien Alan Jones, que Frank Williams appréciait pour son côté travailleur et endurant, qui avait été désigné pilote numéro 1.

En 1980 Reutemann, quoique conscient de son talent et des limites de Jones, champion de l’année, se rangea donc derrière son chef de file. Il obtint une victoire, qui est plus à Monaco, et une troisième place finale au championnat, affirmant son talent. L’appétit venait en mangeant...

1981 : Reutemann le mutin

L’année d’après, après avoir rempli son contrat de second, Reutemann s’estimait en droit de pouvoir lutter, à armes égales, pour le titre mondial. Las ! Dans l’esprit de Frank Williams, il restait un second, un « wingman ».

Que fit alors Reutemann ? L’année précédente, il s’était plié aux consignes. En 1981 en début d’année, à Long Beach, il accepta de nouveau de geler les positions, restant derrière Jones, qui venait de le doubler, mais la mort de l’âme.

C’était une fois de plus, une fois de trop. Au Grand Prix du Brésil, Reutemann était en tête et refusa de relaisser passer Jones, malgré les consignes claires du panneau qui lui indiquait un « Jones-Reut ». Jones échoua à 4 secondes de son second pilote rebelle… Ce fut alors la rupture entre les deux hommes. L’Australien était enragé au point même de boycotter le podium brésilien ! Quant à Reutemann, il s’estimait dans son droit, après avoir assez attendu. Il était temps de penser à lui car il voyait bien que Jones était à sa portée.

Et que fit Williams ? Alors que l’Argentin se positionnait pour le titre, l’équipe continua de favoriser Jones. Parfois de manière ostensible. Voire absurde. En Allemagne on donna par exemple le tout nouveau moteur à Jones (à sa demande), tandis que son coéquipier voyait le sien exploser à deux reprises, le dimanche matin puis le dimanche après-midi ! Et pourtant Jones semblait plus proche de la retraite que du 2e titre en performance pure…

Cette cohabitation tumultueuse eut des répercussions sur le mental ou le moral de Reutemann, qui lâcha prise face à Piquet au fur et à mesure de l’année. Ainsi à Las Vegas pour la finale, au Caesar’s Palace, le suspense était total.

Le titre était à portée de Reutemann, mais Williams réagit encore de manière absurde. On donna à l’Argentin une monoplace presque défaillante, usée, avec une boîte de vitesses notamment au bord de la rupture. Et ce qui devait arriver arriva : Reutemann fut en difficulté pendant tout le Grand Prix, remporté par… Alan Jones.

Piquet fut finalement titré sur la plus petite des marges. Comble du comble, l’équipe Williams, au lieu d’être déçue d’avoir perdu le titre pour un point, fit la fête le soir du Grand Prix car après tout, le leader Jones avait gagné !

L’année d’après, Reutemann disputa seulement deux courses avec Williams ; le ressort était bien sûr cassé entre lui et l’équipe. Ce qui prouve qu’en F1, il ne suffit pas d’être le meilleur pilote, il faut aussi avoir l’équipe dans sa poche…

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