Laurent Rossi, le PDG d’Alpine F1, était présent à Miami, en compagnie du président du groupe Renault, Luca de Meo.
Le Français est sous la pression de sa propre direction après un début de saison catastrophique. Au lieu de progresser, l’équipe d’Enstone n’a marqué que 14 points en 5 courses, loin de son objectif de recoller au top 3. Et la réussite d’Aston Martin F1, avec Fernando Alonso, démontre en parallèle qu’un gros progrès reste possible en F1.
Des licenciements sont-ils à craindre ? A lire Rossi qui se confie au site officiel de la F1, c’est bien possible si la situation n’est pas très rapidement redressée.
"Nous avons commencé la saison en retard par rapport à nos objectifs de développement. Nous manquions de performance par rapport à ce que nous voulions avoir pour consolider la quatrième place au championnat [de 2022]."
"Nous avons commis beaucoup d’erreurs, trop d’erreurs, au cours du week-end. Si l’on ajoute à cela une performance relativement faible et un manque d’excellence opérationnelle, on se retrouve dans une position difficile."
"L’année à venir s’annonce difficile. La saison est encore jeune. Je ne veux pas baisser les bras, mais certaines choses doivent changer. Nous devons continuer à renforcer l’équipe pour retrouver la performance."
"L’une des choses qui doit changer, puisque c’est en grande partie la même équipe que l’année dernière, c’est l’état d’esprit. C’est quelque chose qui doit changer pour les membres de l’équipe actuelle et pour les nouveaux venus."
"Il faut commencer par reconnaître ses erreurs, ne pas les répéter et apprendre d’elles. C’est normal de faire des erreurs, mais ce n’est pas normal de les faire deux fois, car cela signifie que vous n’avez pas appris. Cette année, il y a beaucoup d’excuses, ce qui conduit à des performances médiocres et à un manque d’excellence opérationnelle."
"Je dois m’attaquer à ce problème, j’ai besoin des bonnes personnes pour le faire. J’ai besoin que l’équipe soit consciente qu’elle doit le faire, car ce n’est pas à moi de le faire, c’est à eux, ils doivent le faire. C’est leur responsabilité. J’espère qu’ils feront le même diagnostic. Je leur dirai clairement que c’est le diagnostic et qu’ils doivent y remédier."
Rossi est donc clairement irrité et Otmar Szafnauer, son directeur d’équipe, est dans le collimateur, de manière logique selon lui.
"Il est responsable des performances de l’équipe, c’est son travail. Il ne s’agit pas de se cacher. Otmar a été engagé pour diriger l’équipe, tout au long de la saison et des saisons suivantes, vers les objectifs que nous avons."
"Nous voulons progresser constamment, comme nous l’avons fait les deux premières années en étant cinquièmes puis quatrièmes, et monter sur les podiums. Et c’est donc sa mission de redresser cette équipe et de l’amener à la performance que nous voulons."
"Nous avions une équipe qui s’est assez bien comportée l’année dernière, qui a obtenu la quatrième place, ce qui est la meilleure progression que nous ayons enregistrée depuis longtemps. Elle était très prometteuse."
"Ce sont plus ou moins les mêmes personnes, donc je n’accepte pas que nous ne soyons pas capables de maintenir cela. Oui, cela dépend d’Otmar et le reste de son équipe, car Otmar ne fait pas tout à lui seul, mais c’est Otmar qui est responsable. C’est sa responsabilité."
A-t-il perdu la confiance en celui qui a pourtant construit les bases de l’équipe Aston Martin F1 actuelle ?
"La confiance est quelque chose qui augmente avec les bons résultats et s’érode avec les mauvais. Tout le monde commence avec un capital de confiance qu’il faut ensuite gérer. Dans un sport, dans un monde de compétition, il n’y a qu’un nombre limité d’échecs que l’on peut essuyer."
"Parce que cela se voit. Tout le monde peut savoir si vous allez dans la bonne direction ou non. Cela a un impact direct sur votre capital de confiance. Je dirais qu’Otmar a très largement les capacités nécessaires, mais qu’il a une grande tâche à accomplir devant lui."
Il est clair que Rossi et De Meo veulent des changements rapides.
"Notre équipe de management a déjà usé de beaucoup de temps. Je sais que nous pouvons y arriver si nous avons des gens consacrés à leur tâche. Ils doivent réaliser que nous ne sommes pas à la hauteur et donc que leur travail n’est pas bon."
Les infrastructures et les ressources sont là
Rossi est d’autant plus mécontent qu’il affirme que son personnel a maintenant tous les outils pour progresser et donc réussir. Usine, simulateur, soufflerie, moteur, tout a été mis à niveau.
"Enstone n’a jamais eu autant de ressources à sa disposition depuis un certain nombre d’années. Nous avons investi pour 10 ans. Il n’y aura jamais un moment où l’équipe sera à court de cash."
"Aston Martin F1 a moins d’ingénieurs que nous, pour autant que je sache. Ils n’ont pas encore leur propre soufflerie, ils n’ont pas leur usine en marche pour le moment. Ils ont accéléré le développement en faisant en sorte que les bonnes personnes les rejoignent. Cela montre que tout dépend de la créativité et de l’efficacité. C’est la règle du jeu, on le sait. Donc non, je suis désolé, je n’accepterai pas l’excuse des ressources."
Les pilotes sont eux hors de cause...
"Ils font leur part du travail, nous leur devons ainsi qu’à Alpine un niveau de performance supérieur à ce que nous méritons. Surtout quand les enjeux sont si élevés, que vous avez réussi à obtenir un beau résultat l’an dernier, vous devez être motivé pour le conserver, vous devez vous battre pour rien de moins que la quatrième place et vous devez donc éviter toutes sortes d’erreurs. Il y a eu un couac à Bakou mais la situation qui est née là-bas n’est pas de leur faute."
Faut-il craindre un départ de Renault ?
Rossi semble tenir le discours d’un PDG qui s’est pris une volée de bois vert par son supérieur, Luca De Meo. Le grand patron menace-t-il de se désengager ?
"Non, il n’y a aucun risque. L’engagement est extrêmement fort. Nous savions qu’il y aurait des obstacles en cours de route. Je l’ai dit à l’époque quand il y avait de bons moments, comme la victoire en Hongrie, puis quand nous avons fini quatrième l’année dernière chez les constructeurs."
"Nous savions qu’il y aurait des obstacles. Nous en avons. Et il y en aura plein d’autres. Franchement, c’est la vie des équipes - Mercedes et Ferrari ont connu des hauts et des bas ces deux dernières années, un week-end ils sont des héros, un week-end ils sont des zéros. Nous fonctionnons à un niveau inférieur, ce qui m’agace, mais nous avons les mêmes soucis."
"Nous devons stabiliser le cap. Il ne fait aucun doute que nous serons ici dans 10 ans. L’équipe va changer, comme toutes les autres équipes, il s’agit de renforcer l’équipe pour y arriver le plus vite possible."
Le Français ne souhaite en tout cas lâcher aucune pression sur son équipe : l’objectif reste la 4e place.
"Il est trop tôt pour le faire – et je ne veux pas rassurer les gens. Je ne participe pas à une compétition et ne réinitialise pas mon objectif parce que c’est plus difficile que prévu. L’équipe a réussi à terminer quatrième. Nos gars ont les moyens de se classer quatrièmes, plus que les autres. Je veux qu’ils soient quatrièmes. S’ils ne le font pas, ce sera un échec. S’ils échouent en donnant le meilleur, à 500% et renverse tout ça, il y aura des circonstances atténuantes et cela augure bien pour l’avenir. Sinon, c’est la règle des affaires, il y aura des conséquences. Et je n’attendrai pas la fin de l’année. La trajectoire n’est pas bonne. Nous devons corriger l’état d’esprit de l’équipe dès que possible."
A ne pas rater ce soir l’émission Grand Prix à 20h30, exceptionnellement ce lundi, avec le debrief du Grand Prix de Miami et une page spéciale sur cette interview de Laurent Rossi et d’autres news importantes de la F1