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Sécurité en F1 : La chasse à la vitesse dans les années 80 et 90

Des rappels à l’ordre brutaux en 1994 et 1995

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Autrefois considérée comme une quête allant à l’encontre de l’ADN du sport automobile, la sécurité est devenue un cheval de bataille des organisateurs de la F1. Dans cet article en trois parties, nous revenons sur son histoire, ses obstacles et sa réussite. Voici la 2e partie, la 1ère étant disponible ici.

Après la prise de conscience des années 60 et 70, la sécurité restait toujours un problème majeur en Formule 1, dix pilotes ayant perdu la vie dans les années 70, contre 12 lors de la décennie précédente.

Loin d’être résolue, la question apparaissait même de plus en plus importante car depuis 1973, les Grands Prix étaient diffusés à la télévision et le public voyait des pilotes mourir en direct. La F1 était consciente qu’en dépit de l’image chevaleresque que cela pouvait renvoyer, il ne lui était pas possible de poursuivre dans cette direction.

De nombreux aménagements ayant été faits sur les circuits, sur les infrastructures, sur l’entraînement des commissaires et secouristes, mais aussi sur l’équipement obligatoire des pilotes, il devint évident que les monoplaces étaient devenues trop rapides et anachroniques de ce que prônait la FIA en matière de protection.

De nombreuses modifications avaient pourtant été introduites pendant les dix années précédentes, mais le bilan au moment d’entrer dans les années 80 était sans appel : la F1 tuait encore trop, à raison d’un pilote par an en moyenne.

Se voulant à la pointe du sport automobile, elle devait prouver qu’elle était consciente du problème et mettre en place une nouvelle série de mesures destinées à sauver des vies, mais aussi des carrières puisque de nombreux autres pilotes avaient subi de lourdes blessures.

Les moteurs turbo et l’effet de sol accusés

La FISA (Fédération Internationale du Sport Automobile), branche sportive de la FIA, frappa fort dès 1981 en interdisant un concept révolutionnaire apporté par Lotus aux États-Unis. La Lotus 88 à double châssis était censée générer un appui phénoménal, plus important que celui apporté par les jupes utilisées dans les années 70 et permettant de créer cet effet de sol.

Celles-ci étaient interdites par l’obligation d’une garde au sol minimale de 6 cm et Colin Chapman tenta ainsi de contourner le règlement la même année avec un ingénieux système. Mais celui-ci fut banni immédiatement et la voiture ne disputa même pas une course.

Gordon Murray avait tenté deux ans plus tôt une autre stratégie en installant un ventilateur à l’arrière de la Brabham BT46B, également interdit dans un délai très court par la FISA. La fin de l’effet de sol fut donc actée en ce début de décennie, non sans un conflit entre la FOCA (l’association des équipes) et la FISA présidée par Jean-Marie Balestre.

Mais la FISA et la FOCA, malgré cette opposition, essayèrent d’imposer un système de Superlicence et de transferts que les pilotes refusèrent, et ils se mirent en grève pour faire plier les autorités.

Néanmoins, les actions d’ampleur de Balestre et son intransigeance sur la sécurité en font encore aujourd’hui l’un des plus grands artisans des progrès à ce sujet en F1, et firent de lui un dirigeant très respecté par les pilotes. Mais un autre point inquiétait alors le Français au début des années 80, celui des moteurs turbo.

Le moteur atmosphérique comme seule solution

Comme en rallye, où il finit par interdire les démentielles voitures du Groupe B, Balestre fit la chasse à la vitesse, et la F1 adopta une série de mesures pour réduire la puissance des moteurs et la performance des monoplaces dans la première moitié des années 80, notamment après le décès de Gilles Villeneuve à Zolder en 1982.

Le poids des F1 fut d’abord abaissé, passant de 585 à 540 kilos en deux ans, tandis que la capacité des réservoirs fut drastiquement réduite. Mais dans la deuxième moitié de la décennie, c’est le retour aux blocs atmosphériques qui fut mis en avant au travers de deux mesures.

Une bride d’admission permettait de limiter les performances du turbo, tandis qu’en parallèle, la cylindrée autorisée pour les moteurs atmosphériques augmenta à 3500 cm3. En 1988, une bride différente fut installée et la pression du turbo, alors limitée à 4 bars, descendit à 2,5 bars. La capacité du réservoir descendit à 150 litres.

Mais face à l’ingéniosité des ingénieurs, et à l’ultra-domination de la McLaren MP4/4 à moteur Honda turbocompressé, la FIA s’avoua vaincue et comprit qu’une seule alternative était possible : elle officialisa l’interdiction des moteurs turbo, obligeant les monoplaces à embarquer des blocs atmosphériques de 3500 cm3 de cylindrée.

Elle fixa également le poids minimal des voitures à 500 kilos. Avec l’apparition du fond plat marquant la fin de l’effet de sol et l’arrêt du turbo, la F1 espérait avoir trouvé une base de travail solide pour la décennie suivante, qui se voulait axée sur de nouvelles mesures prônant une plus grande sécurité.

Un volant amovible pour mieux s’extraire

C’est également à la fin des années 80, après le décès en essais privés d’Elio de Angelis, que la FIA obligea la présence d’un inspecteur médical et d’un hélicoptère. En 1988, elle créa le poste de directeur de course, elle écarta les grilles de départ avec 16 mètres de longueur entre les voitures.

La même année, la fédération imposa que les pieds des pilotes soient situés en retrait du train avant, après de nombreux accidents entraînant des blessures graves aux jambes, à l’image de celui de Jacques Laffite à Brands Hatch.

Au début des années 90, il n’était plus question de réduire la vitesse des monoplaces, mais bien de les rendre plus sûres pour les pilotes. En 1990, une modification intervint sur le volant pour pouvoir le retirer plus rapidement, tout comme un élargissement des rétroviseurs afin que les pilotes aient une meilleure appréhension de leur environnement.

La FIA obligea chaque pilote à passer un examen d’extraction, avec obligation de quitter la monoplace en cinq secondes sans retirer le volant. L’année suivante, des harnais renforcés et des réservoirs encore plus solides furent installés sur les F1.

Inquiétude autour des voitures coupées en deux

Le carburant devait désormais être situé entre le pilote et le moteur, et non plus autour du cockpit, comme c’était parfois le cas sur certaines monoplaces. Mais Balestre ne voulait pas s’arrêter là, et la liste des mesures s’allongea.

Les suivantes permirent notamment de vérifier la solidité de l’arrière de la monocoque des F1. Ce point inquiétait depuis l’accident d’Alex Caffi à Monaco, après que la Footwork s’était brisée en deux contre les rails de la Piscine. L’accident de Martin Donnelly à Jerez en 1990 était également dans tous les esprits.

En 1992, prenant exemple sur ce qui se faisait depuis de nombreuses années de l’autre côté de l’Atlantique, la F1 adopta enfin la voiture de sécurité, afin de neutraliser la course lors d’incidents dont la résolution met en danger les commissaires de piste ou le(s) pilote(s) impliqué(s).

En 1973, une première tentative infructueuse avait été faite et pendant près de 20 ans, la Safety Car était restée au placard et faisait donc son retour, définitif cette fois, en F1.

Limiter les aides pour limiter la vitesse

En 1993, les monoplaces évoluèrent encore avec l’augmentation de la taille de l’appui-tête et d’autres mesures aérodynamiques. Les pneus arrière devinrent moins larges, tout comme la monoplace elle-même.

L’année suivante, l’accent fut encore mis sur les crash-tests de la monocoque et de la zone entourant la tête du pilote, et l’appui aérodynamique fut encore réduit de sorte à limiter les performances.

De même, la FIA entérina l’interdiction de nombreuses aides, à l’image du contrôle de traction, de la direction assistée, des boîtes de vitesses robotisées, ou encore des suspensions actives, sujet très polémique en 1993 avec le système révolutionnaire de Williams.

Par ailleurs, une limitation de vitesse fit son apparition dans les stands, à 80 km/h pendant les essais, et à 120 km/h en course. Les standards de sécurité des casques augmentèrent, et la FIA dressa une liste des virages à risque dans le calendrier.

Elle put réduire cette liste informatiquement grâce à l’abaissement des performances des voitures, et elle envisagea pour la première fois l’utilisation de murs de pneus dans le but de ralentir les monoplaces avant les impacts contre les murs en béton, pour ramener les forces subies à des niveaux supportables pour le corps humain.

Des efforts réduits à néant à Imola 1994

Malheureusement, le week-end d’Imola ruina à lui seul bon nombre de ces efforts, prouvant qu’ils ne suffisaient pas encore. Pour la première fois depuis huit années, et même depuis 12 années lors d’un week-end de course, la F1 fut endeuillée par les décès de Roland Ratzenberger et Ayrton Senna.

Ces deux accidents montrèrent que les virages devaient être considérés avec plus de prudence, que les barrières de pneus pouvaient avoir un bienfait par rapport aux murs en béton et que les protections de cockpit n’étaient pas encore assez hautes autour du pilote.

Mais d’autres incidents vinrent émailler le week-end, avec la perte d’une roue dans les stands qui faucha et blessa des mécaniciens, le crash au départ qui toucha des spectateurs, mais aussi les blessures lourdes subies par Rubens Barrichello le vendredi après que sa monoplace avait décollé sur des vibreurs.

Deux semaines plus tard, le paddock se rendit à Monaco, où l’émotion était encore vive après les deux décès d’Imola. L’accident de Karl Wendlinger à la sortie du tunnel, qui plongea l’Autrichien dans le coma, finit de jeter un vent de panique sur la F1, qui prit alors des mesures drastiques pour les saisons suivantes, mais aussi pour les courses restant à disputer cette année-là.

La FIA commença à paniquer

Des modifications intervinrent sur les monoplaces pour limiter la puissance. Sur les circuits de Barcelone et Montréal, des chicanes artificielles furent installées dans les portions rapides et jugées trop dangereuses.

Les deux week-ends se passant sans problème majeur aux endroits concernés, la FIA décida de prolonger l’expérience et plaça une chicane dans le Raidillon de l’Eau Rouge, à Spa-Francorchamps. Beaucoup de puristes crièrent au scandale, mais peu d’observateurs avaient conscience des changements qui se préparaient en coulisses.

Ces drames de 1994, ainsi que l’accident d’Andrea Montermini en Espagne, durant lequel l’Italien se brisa les jambes, furent en effet à l’origine de nombreuses modifications apportées aux monoplaces entre 1995 et 1998.

Dès l’année suivante, le châssis eut pour obligation de dépasser de 30 centimètres l’emplacement des pieds des pilotes, contre 15 auparavant. Le crash-test devint plus strict pour la partie avant, dont la déformation ne devait pas aller plus loin que le museau.

C’est cette année-là que les premiers crash-tests latéraux firent leur apparition, tout comme l’obligation d’un système d’enclenchement du neutre lorsque le moteur s’arrêtait. L’appui des monoplaces fut encore réduit pour limiter leur vitesse.

Les protections de cockpit rehaussées

En 1996, et en réponse aux accidents de 1994, les F1 se virent greffer des protections hautes autour de la tête des pilotes. Une avancée d’autant plus saluée que JJ Lehto et Jean Alesi s’étaient blessés aux cervicales en 1994, et que Mika Häkkinen avait été victime d’un lourd accident en fin de saison 1995 à cause de ce manque de protections.

Par ailleurs, le nez des monoplaces ne devait plus être pointu comme l’était celui de la McLaren de l’année précédente. C’est cette année-là qu’apparut la boîte noire dans les monoplaces, afin de pouvoir mieux comprendre les causes des accidents et des potentielles blessures qui en découlent.

Sur les circuits, ce fut la grande révolution avec la standardisation des vibreurs, adoucis pour éviter que les voitures ne décollent, et la modification profonde de plusieurs virages, dont ceux de Tamburello et Tosa à Imola, qui devinrent des chicanes.

Par ailleurs, la FIA décida qu’elle superviserait l’ensemble des essais privés et força l’adoption d’un règlement strict pour ces séances, tout en standardisant les procédures liées au Safety Car et à la voiture médicale.

Des voies moins larges et des pneus rainurés

Comme la fin des années 70 et le début des années 80, la fin des années 90 ne fut qu’une chasse à la vitesse, avec la réduction de la largeur des monoplaces à 1m80 au lieu de deux mètres, et l’arrivée de pneus rainurés, controversés car très peu esthétiques mais chargés de réduire le grip, et donc les performances en courbe.

Le cockpit fut de plus en plus épais et haut autour de la tête des pilotes, et le baquet devint solidaire du pilote pour faciliter l’extraction si besoin. Les roues furent attachées à la voiture via un système en kevlar, et la hauteur de la ligne tracée entre l’arceau et l’avant de la voiture fut rehaussée pour être plus éloignée de la tête des pilotes.

Sur les circuits, la poursuite de sécurité continua et les voies des stands changèrent, devant débuter après 100 mètres de ligne droite minimum (hormis à Monaco), tandis que les rails de sécurité et murs des stands firent l’objet d’obligations strictes.

Mais comme souvent, l’Histoire rattrapera cette bonne volonté et les années 2000 débuteront par des accidents mortels touchant le personnel sur les circuits. Une nouvelle preuve que malgré les nombreux chantiers accomplis depuis plusieurs décennies, tout restait à faire.

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