Sir Stirling Moss restera à jamais appelé le « champion sans couronne » : même s’il remporta quasiment un quart de ses Grands Prix disputés en F1 (16 sur 66), Moss ne parvint en effet jamais à remporter le championnat des conducteurs, en terminant vice-champion à quatre reprises.
Longtemps frustré par cette situation, Moss changera pour autant de point de vue en 1958, lorsqu’il perdit le titre d’un point, face à Mike Hawthorn, notamment en raison d’un geste altruiste et chevaleresque.
« Mon attitude changea » confiait Moss des années après cette saison 1958.
« Parce que je croyais vraiment cette année-là que je devais être le champion. J’ai senti que j’en avais la capacité, etc., et je n’ai pas gagné. Et c’était contre Mike Hawthorn, qui était en fait un très bon ami à moi. J’avais vraiment le sentiment que je pouvais battre Mike, et il m’a bien sûr battu d’un point. »
« Et puis j’ai pensé, eh bien, Mike boit, et il court partout dans le monde, et il fait tout ce que j’aimerais faire, et pourtant j’ai été puni pour ne pas l’avoir fait. Et puis merde, je vais sortir et m’amuser moi aussi. »
En 1958, Hawthorn avait gagné le titre grâce à la fiabilité de la Ferrari et sa régularité, en dépit d’une pointe de vitesse parfois relative. Moss agissait tout au contraire : pas question, pour lui, de viser 2e et 3e places ; ce qu’il voulait, c’était la victoire.
« Je suis un compétiteur, pas un pilote [a racer, not a driver]. »
« Et je pense que ce n’est pas une chose intelligente ; on devrait être un pilote et un racer dans le même temps, mais j’aime la course. J’aime jouer aux dés avec d’autres gars. Pour moi, c’est ce dont il s’agit. »
A l’image de Poulidor en France, cette image de brillant mais éternel second est toujours restée attachée à Moss… au point, selon de lui, de lui profiter.
« Vous voyez, j’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Je n’ai jamais gagné un championnat du monde, et je pense que ça m’aurait nui d’en gagner un. Il vaut mieux que je n’en ai jamais gagné un. Cela met les gens qui écrivent des livres sur les champions du monde dans une position difficile s’ils veulent me mentionner, mais alors cela n’a pas d’importance. Dans l’ensemble, il vaut mieux que je n’en aie pas. Je suis l’homme dont les gens disent : "Mon Dieu, il aurait dû gagner". »
« Je pense que j’ai passé du bon temps, vraiment. Je continue à vendre mon nom. Ce qui est bien, parce que je fais beaucoup de choses. Et je fais des conférences et des choses pour lesquelles je suis payé. Et je dois l’être. C’est comme ça que je gagne ma vie, en vendant mon temps et mon nom. Et je pense que c’est en grande partie parce que a) je me suis rendu accessible, et b) j’ai toujours eu quelque chose à dire si les gens m’appellent et me demandent ce que je pense de quelque chose. Peu importe ce que c’est, j’ai des opinions. Elles ne sont peut-être pas justes, mais au moins je les ai et je n’ai pas peur de les dire. »