Si la première saison d’Oscar Piastri impressionne chez McLaren, il ne faut pas oublier que le cador, le leader de l’équipe, demeure Lando Norris (136 points inscrits par Norris en 2023, contre 83 pour Piastri).
Celui que McLaren a fait grandir dans sa filière jeune pilotes, est en train de s’imposer comme un des meilleurs du plateau. Le petit farceur du paddock, qui a écrasé Daniel Ricciardo chez McLaren, s’est ainsi mué en pilote plus mature, voire plus ‘méchant’ hors et en piste.
Andrea Stella, aujourd’hui directeur de McLaren, a vu grandir à Woking Lando Norris. Que peut-il dire de l’intérieur sur ces progrès ?
« Combien de personnes ont vraiment cette détermination de profiter de chaque opportunité pour s’améliorer ? Lorsque Lando a rejoint l’équipe, il était presque mûr de ce point de vue. Il est clair qu’il a traversé une période difficile dans ses catégories juniors. Il a dû bénéficier d’un très bon soutien pour mûrir l’importance de cet élément (faire des progrès continus). Il avait déjà cet esprit. »
« Il est évident qu’il est en train de s’imposer comme l’un des meilleurs pilotes de Formule 1. Et en plus de confirmer sa vitesse naturelle, je pense que ce qui devient de plus en plus évident, c’est à quel point sa maîtrise de la course est en train de progresser. Par exemple, nous avons vu à quel point il pouvait s’accommoder des défauts d’équilibre de ce que nous appelons souvent les "caractéristiques des voitures McLaren", que nous nous efforçons d’éliminer de la voiture. Mais il s’est adapté grâce à ses progrès continus. »
« On ne s’adapte pas d’un jour à l’autre, c’est toujours un jeu de gains marginaux et c’est toujours comme si vous ne vous souveniez pas exactement du moment où vous avez fait un pas important. Il s’agit de petits pas quotidiens, mais ils requièrent la détermination dont je parlais au début. »
En termes de pilotage, comment pourrait-on décrire le style de Lando Norris ? Comment a-t-il évolué ? Comment sont aussi ses retours techniques ?
« Tout d’abord, Lando a cette caractéristique, comme d’autres pilotes de haut niveau avec lesquels j’ai eu la chance de travailler : leur perception du temps est très resserrée. Il parle de ce qui se passe en une demi-seconde comme si cela s’était passé en une heure. Sa capacité à percevoir et à isoler toutes les petites choses qui se produisent de son point de vue de pilote, ou de ce qui se passe avec la voiture, est assez impressionnante. »
Andrea Stella, ingénieur formé en Italie, a aussi travaillé chez Ferrari avec de grands noms de la F1, comme Michael Schumacher, Kimi Räikkönen ou Fernando Alonso. Comment Lando Norris se situe-t-il par rapport à eux ?
« Les ingrédients pour que Lando puisse réussir, comme ces pilotes ont pu réussir, sont en train de se mettre en place. En ce qui concerne la vitesse naturelle, Lando peut rivaliser avec certains de ces grands noms comme Schumacher ou Fernando Alonso. »
« Le véritable facteur de réussite est continuer à progresser en termes de maîtrise, de vision de la course, en améliorant son adaptabilité que possible, parce que vous n’aurez jamais la voiture parfaite. Vous n’aurez jamais la situation parfaite. »
« De ce point de vue, Lando est sur la bonne voie, et la preuve en est que dès que nous lui avons donné une voiture capable de se battre pour les podiums, il y est parvenu. Il est clairement sur la bonne voie. C’est à nous maintenant de lui donner les moyens de capitaliser sur ses propres qualités. »
Norris fidèle mais trop patient avec McLaren ?
Lando Norris doit beaucoup à McLaren, mais McLaren doit aussi beaucoup à Lando Norris. Le Britannique, bien que courtisé par Red Bull, ne semble pas vouloir aller ailleurs pour le moment. Andrea Stella lui en est reconnaissant.
« Un élément qui montre également sa maturité est que Lando a continué à soutenir l’équipe, même lorsque celle-ci n’était pas très performante. »
« Notre mission était de fournir à Lando une voiture performante. Nous n’avons pas répondu à cette attente au début de la saison, mais il a continué à nous soutenir. Ce dont je suis très heureux, c’est que cela a permis à Lando d’acquérir de l’autorité et du respect au sein de l’équipe. Cela renvoie à la culture, aux éléments personnels qui sont importants dans un voyage aussi long. Ce comportement et cet exemple que Lando a donné quand les choses ne fonctionnaient pas très bien… il a gagné en autorité. »
Mais un fait demeure : Lando Norris n’a toujours pas gagné de Grand Prix. Jusqu’à quand sera-t-il patient ? Stella ne sent-il pas de la frustration chez son pilote ?
« Je pourrais donner une réponse politique, diplomatique, et dire "oh, non, vous savez, il se débrouille si bien, il n’y a pas de frustration". Mais je dirais alors : quel genre de pilote est-ce ? Ces gars-là, qui font de la compétition depuis leur plus jeune âge, ont cette inclination naturelle et cette ambition de gagner, pas seulement d’être rapide. C’est quelque chose qui est profondément programmé dans leur ADN. »
« Le fait d’avoir été proche de gagner des courses et de ne pas avoir pu le faire, ou d’avoir cette ambition claire et de réaliser pourtant que vous ne pourrez pas vous battre pour les points, comme au début de notre saison… cela doit créer un trou noir, un vide chez ces pilotes. »
« Je serais surpris qu’il n’y ait aucune indication (que Lando Norris ne soit pas frustré). Sinon, je dirais "c’est un robot" ou "il nous ment". Nous ne voulons pas qu’il soit un robot et nous ne voulons pas qu’il nous mente. Nous devons être naturels et nous pouvons y faire face. Ce qui fait la différence, c’est qu’il a continué à être constructif et qu’il a contribué à la progression de l’équipe. C’est là la vraie différence. »
« Il ne s’agit pas d’étouffer ou de nier votre ambition, vos sentiments. Ils sont le moteur, ils sont l’énergie qui alimente nos progrès continus. C’est la manière dont vous les abordez, en particulier lorsque vous faites partie d’une équipe, qui fait la différence, et c’est ce qui a fait la différence dans le respect et l’autorité que Lando a gagnés au sein de l’équipe avec son propre comportement. »