Au cours de ses 18 années comme directeur de Toro Rosso et d’AlphaTauri, Franz Tost aura dirigé ou fait grandir pas moins de 17 pilotes.
Pour le podcast "Beyond the Grid", l’Autrichien, qui part à la retraite ce 31 décembre, a évoqué chacune de ces 18 personnalités, de ces 18 talents.
Mais quel pilote l’aura le plus impressionné ? Un premier nom revient forcément, c’est celui d’un quadruple champion du monde…
« Au début, Sebastian [m’a le plus impressionné]. Il prenait vraiment, vraiment tout au sérieux et il était très discipliné. Il s’est occupé de chaque petit détail, non seulement du pilotage, mais aussi de la nutrition et de l’entraînement. Il m’a appelé plusieurs fois et nous avons discuté de différents sujets. Il vivait vraiment 360 jours de Formule 1. C’est ce que j’attends. »
Un deuxième nom arrive à l’esprit de Franz Tost par la suite, et il sera sans surprise...
« Et puis, bien sûr, Max. Max, à cause de son incroyable vitesse. Lorsque nous l’avons amené en Formule 1, je me souviens que certains de vos collègues sont venus me voir et m’ont dit : "Vous êtes complètement fou. Comment pouvez-vous prendre quelqu’un qui n’a même pas de permis de conduire ?’’ J’ai dit : "Désolé, je ne veux pas en discuter avec vous maintenant. Revenez dans cinq ans, nous pourrons alors en discuter", parce que j’étais fatigué de défendre notre décision. »
« Cette incroyable vitesse naturelle, on la retrouve parfois en Formule 3. Je me souviens de ce circuit sous la pluie au Norisring (en Allemagne). Je pensais que Max roulait sur une trajectoire sèche, parce qu’il était deux secondes plus rapide que les autres. Cela m’a rappelé la victoire de Michael Schumacher en Formule Ford au Salzburgring. Les conditions étaient similaires, et il était également, à chaque tour, deux ou trois secondes plus rapide que les autres. »
« Alors, on a fait des essais avec Max en Italie. Il s’est tout de suite senti à l’aise avec la voiture. Il s’est immédiatement adapté à la vitesse, aux freins, à tout. C’est le grand avantage de Max. Il n’a pas de problème de vitesse. D’autres pilotes ont besoin de dix tours, 20 tours, 100 tours, jusqu’à ce qu’ils s’adaptent à la vitesse, aux freins et à tout le reste. Max contrôlait la situation. »
« Nous avons dit : "D’accord, il devrait faire les essais libres à Suzuka". Une fois de plus, vos collègues sont venus nous dire que nous étions complètement fous, que c’était l’un des circuits les plus difficiles. Il a fait son travail sans problème. La deuxième fois, je crois que c’était à Interlagos. Je ne me souviens pas exactement du virage, cinq ou six, mais il eu alors du survirage. Il a perdu un peu de vitesse, mais il a rattrapé la voiture sans problème. Il n’a pas été surpris par la vitesse, il l’a maîtrisée. C’est décisif. C’est vraiment impressionnant, avec si peu de tours, de voir comment il a immédiatement pris de la vitesse. »
« Il avait Jos, son père, à ses côtés. Jos était un pilote de Formule 1 ayant rencontré un certain succès, et il lui a tout appris. Si vous lui appreniez quelque chose, à Max, il comprenait immédiatement ce que vous vouliez dire, et il sortait immédiatement avec la voiture et l’essayait, que cela fonctionne ou non. C’était vraiment, vraiment impressionnant. »
Sainz était-il à la hauteur de Max Verstappen ?
Dans le palmarès de Franz Tost, Carlos Sainz se classerait-il à la troisième position ? L’Espagnol fut le coéquipier du Néerlandais chez Toro Rosso en 2015, et la lutte entre les deux hommes fut moins serrée qu’on ne l’imagine avec le recul des années.
« Carlos Sainz est aussi un pilote compétent » poursuit Franz Tost.
« Du point de vue de la vitesse naturelle, il n’est pas au niveau de Max, mais Carlos est un travailleur acharné. Carlos est un pilote très intelligent. Grâce à ses efforts, il a atteint un niveau très élevé et, pour moi, il fait actuellement partie des meilleurs pilotes de Formule 1. On pouvait le voir à l’époque, ce n’est pas un pilote qui est immédiatement rapide. Il a besoin de quelques tours, mais il analyse tout, il travaille sur ses lacunes, et c’est pourquoi il a atteint ce niveau aujourd’hui. »
N’y avait-il pas de la tension entre Carlos Sainz et Max Verstappen dans le garage Toro Rosso, en 2015 ?
« Oui, bien sûr. Mais c’est une bonne chose. J’aime la tension. Je n’aime pas que les pilotes soient trop proches les uns des autres, trop amicaux, parce que ce n’est pas un bon signe. Il y a eu des frictions, aussi entre pères, c’était intéressant à observer pour moi. »
« Max était vraiment un débutant parce qu’il n’a fait que de la Formule 3. Carlos a fait la Formule BMW, la Formule Renault deux litres, puis le championnat du monde de Formule Renault avec la 3,5 litres. De ce point de vue, il était beaucoup, beaucoup mieux préparé. Ils se sont battus l’un contre l’autre et c’est là que l’on a pu voir la vitesse absolument naturelle de Max. »
Au bout du compte, Red Bull avait-elle hésité, selon Franz Tost, à choisir entre Max Verstappen et Carlos Sainz, lorsqu’il avait fallu, début 2016, remplacer subitement Daniil Kvyat ?
« Non, après la saison avec nous, c’était Max. Max était tout simplement plus rapide et la décision de Red Bull Racing était tout à fait juste. »
Franz Tost était-il tout de même surpris de voir Max Verstappen gagner dès sa première course chez Red Bull, à Barcelone en 2016... ?
« Bien sûr, j’ai été surpris. C’est un succès fantastique, nous étions tous heureux avec lui. »
« Il se battait contre [Kimi] Räikkönen, et il savait exactement comment utiliser la batterie, l’énergie. C’est le signe typique d’un pilote qui a tout sous contrôle, qui n’est pas surchargé par la conduite. Il peut penser à autre chose. Il sait lire la course, il sait ce que font ses adversaires et il sait où Räikkönen peut devenir dangereux pour lui. Il a conduit exactement comme il fallait pour défendre et gagner cette course. »