Un journal allemand s’est attiré les foudres du public en publiant sur une double page une interview exclusive de Michael Schumacher. Or, et l’on s’en doute en sachant que l’état de santé du septuple champion du monde est tenu secret par sa famille, cet entretien a en fait été généré par une IA.
Le magazine ’Die Aktuelle’ a vendu cette interview en Une de son dernier numéro comme "sensation mondiale", et comme "la première interview" de l’ancien pilote allemand, toujours dans un état inconnu après un accident de ski survenu en décembre 2013.
Le magazine commence l’article par une phrase qui laisse penser que Schumacher a enfin les moyens de tenir une conversation : "Parlez lui. Demandez lui comment il va vraiment. Et obtenez finalement des réponses près de dix ans après son tragique accident de ski".
Cachant au maximum la mention selon laquelle l’interview "sonne vraie de manière trompeuse", Die Aktuelle vend ensuite cela de la manière la plus abjecte qui soit, digne des pires tabloïds.
"Pas de maigres et nébuleuses demi-phrases d’amis. Mais des réponses de sa part ! Par Michael Schumacher, 54 ans ! La voici - l’incroyable interview ! Avec des réponses rédemptrices aux questions les plus brûlantes que le monde entier se pose depuis si longtemps."
L’article, qui n’a pas de nom d’auteur, se conclut par une phrase qui n’est même pas claire : "Michael Schumacher a-t-il vraiment tout dit lui-même ? L’interview a été réalisée en ligne. Via une page consacrée à l’intelligence artificielle (IA). Il y a des sites sur lesquels vous pouvez discuter avec des célébrités."
Les dérives de l’intelligence artificielle
On peut avant tout s’insurger contre le manque d’éthique, d’empathie et d’intelligence des mercenaires de Die Aktuelle, mais cette nouvelle affaire vient encore jeter un pavé dans la mare au sujet de l’intelligence artificielle et de ses dérives potentielles.
Grand sujet de société actuel, le contrôle des IA semble désormais inévitable, avant que des catastrophes à plus grande échelle ne surviennent par leur faute. Mais en attendant un cadre réglementaire, il est important d’appeler à la raison et à la dignité de chacun, deux qualités dont semblent manquer les employés de Die Aktuelle.
Dans un article consacré à ce magazine, le journaliste du site Übermedien, Boris Rosenkranz, s’agace de ce procédé qui "donne aux lecteurs l’impression de lire" Michael Schumacher en personne, et non un texte généré artificiellement.
N’épargnant pas ses confrères et compatriotes de Die Aktuelle, il poursuit : "Le groupe de médias Funke veut en fait que les déchets qu’il déverse dans le monde soient compris comme un produit journalistique."