Passé chez Lola, mais surtout chez McLaren et Ferrari dans les années 1980 et 1990, John Barnard est l’un des ingénieurs et directeurs techniques les plus respectés des dernières décennies en F1. Il est notamment l’homme ayant conçu la première monocoque de F1 entièrement fabriquée en fibre de carbone, avec McLaren en 1981.
« Je me sens fier d’un certain nombre de choses que j’ai faites, parce qu’elles sont devenues des standards » raconte aujourd’hui l’ingénieur au podcast "Beyond the Grid".
« J’ai entendu des gens dire, ah, la monocoque en fibre de carbone, c’était quelque chose d’évident, quelqu’un devait forcément le faire en premier ; mais ce n’est pas ainsi que ça marche… »
« Quand vous faites quelque chose de totalement différent, il faut être si engagé dans cette idée, il faut être entièrement convaincu que ça va marcher… au point que vous ne pouvez pas dévier de cette idée. Et malgré tout, sur toutes ces innovations, je pensais dans un coin de ma tête : qu’est-ce que je ferai si ça ne marche pas ? Si la monocoque en fibre de carbone est une horreur ? Mais vous ne le dites jamais à personne ! »
Le McLaren MP4/1 (photo) fut mise à l’épreuve à Monza, lorsque John Watson sortit violemment de piste, en tapant le mur à l’arrière. La McLaren en carbone résista de manière incroyable, à la surprise de beaucoup. Et ainsi John Barnard put souffler…
« Le crash semblait terrible… On regardait et on se disait, où est le reste de la voiture ? Après cela, ce fut clair dans l’esprit de tout le monde : la voiture entièrement fabriquée en fibre de carbone est assez sûre. Avec les composés en fibre de carbone, la voiture était endommagée à un endroit localisé, sans que l’ensemble de la structure ne soit détruite. Et tout le monde s’est dit, il faut aller vers cette solution. »
A-t-il jamais douté dans la pertinence de sa conception ?
« Pour être honnête, j’avais des éléments de doute. C’était un temps où il n’y avait pas de crash-tests, tout reposait sur des calculs ! Nous calculions ce qui était requis ! Il ne fallait pas se tromper. »
« C’était quelque chose de nouveau, il fallait donc que j’aie une confiance totale en ce que je faisais, comme d’habitude. J’avais vu tous les angles, tous les angles d’impact possibles… Avoir un plan de secours, pour faire un châssis sans carbone… ç’aurait été très difficile, ça ne nous donnerait pas l’avantage que nous avions. »
Puis, à Silverstone, en 1981, la McLaren remporta la première victoire pour une monoplace faite en carbone, au grand soulagement de Ron Dennis.
« C’était important du point de vue des sponsors ! C’était important pour la stabilité de l’équipe. Ce n’était pas une victoire si formidable du point de vue de la vitesse pure, car les moteurs turbo de Renault avaient eu des défaillances, nous étions les meilleurs des autres d’une certaine façon. »