Frédéric Vasseur connaît très bien Charles Leclerc : avant d’être son directeur d’écurie chez Ferrari, il l’était aussi précédemment chez Sauber, et même auparavant chez ART en F2.
Le patron français est donc particulièrement boen placé pour juger les progrès comme la personnalité de Charles Leclerc. Entre le Charles Leclerc de 2018 (chez Sauber) et celui de 2023, comment le Monégasque a-t-il grandi selon son tuteur et patron ?
« 2018 a été une bonne saison pour nous et pour Charles, mais aussi une saison difficile. Le passage à la F1 n’est pas facile. Je ne veux pas parler du pilotage ou de l’approche technique, mais du fait que vous changez d’environnement. »
« Je pense que Charles s’en est plutôt bien sorti cette saison-là, mais le passage à Ferrari a été le plus grand défi. J’ai trouvé quelqu’un d’un peu plus mature, d’un peu plus confiant en lui-même, avec probablement plus de certitude sur ce qu’il attend de l’équipe. Mais il a aussi les mêmes caractéristiques, c’est-à-dire qu’il est très honnête avec lui-même et avec l’équipe. Il est à peu près le même, mais plus mûr. »
Charles Leclerc apparaît cependant de plus en plus frustré par la stagnation des performances de Ferrari, ou encore la gestion des stratégies. Frédéric Vasseur partage-t-il ce constat ?
« La frustration est là, mais encore une fois, l’ambiance, l’humeur, c’est très positif. Je ne peux pas imaginer que Charles, après cinq ans en F1, ne soit pas frustré par les résultats actuels. Cela doit faire partie de la motivation. Vous ne pouvez pas être satisfait de ceci alors que le défi était de gagner cela. Ce n’est pas qu’il faille blâmer quelqu’un, mais la frustration doit faire partie de la motivation. »
Cet agacement de Charles Leclerc s’entend notamment à la radio, durant les Grands Prix...
« Il faut faire attention à la radio, mais ce serait une bonne blague d’écouter parfois la radio des autres. Mais une partie de la relation est aussi dans la discussion. Ce n’est pas qu’un pilote doive diriger les stratégies, c’est une discussion ouverte. Pour moi, c’est une bonne chose et j’en suis heureux. Le fait que le pilote puisse contribuer au choix de la stratégie fait partie du jeu. »
Vasseur parlera prolongation des pilotes en fin d’année
Frédéric Vasseur n’oubliera donc pas de soigner la réputation de Carlos Sainz : l’Espagnol a de très nombreuses qualités selon lui.
« Carlos est quelqu’un de très, très mature pour son âge. Il est capable de développer une bonne connexion avec l’équipe. »
Que doit faire Carlos Sainz pour mériter désormais une prolongation de contrat (son bail expire fin 2024) ?
« Nous n’avons pas commencé à en discuter, mais j’ai été très clair jusqu’à aujourd’hui sur le fait que la première priorité de l’équipe est de développer le package que nous avons, de renforcer la structure, pour moi d’évaluer ce qui va bien et ce que nous pouvons améliorer. La discussion avec les pilotes n’est pas le premier sujet. Nous avons encore quelque chose comme 18 mois de contrat devant nous. »
« C’est énorme et vous avez des pilotes sur la grille qui n’ont que cinq mois devant eux, et vous ne posez pas la question. Nous sommes très à l’aise parce que nous savons qu’ils ont un contrat pour les 18 prochains mois. Nous aurons le temps d’en discuter dans les semaines ou les mois à venir. Je leur ai dit que nous réglerons le problème avant la fin de l’année et que je le ferai. »
Vasseur ne veut pas construire Ferrari autour d’un seul pilote
C’est un sujet qui avait fait polémique en début d’année : dans une interview, Frédéric Vasseur avait laissé entendre qu’il aimerait construire le futur de Ferrari autour de Charles Leclerc. Sous-entendu, pas autour de Carlos Sainz.
Cette fois, quand on lui pose la même question, Frédéric Vasseur ne se laisse plus avoir.
« J’ai eu la question en début de saison et c’était probablement une mauvaise interprétation de ma réponse. Je pense que nous avons deux bons pilotes aujourd’hui, Carlos et Charles. Ils font du bon travail. Nous devons toujours nous améliorer. Comme pour chaque membre de l’équipe, nous devons faire un meilleur travail, continuer à développer plus de compétences et à nous améliorer. Mais les deux font du bon travail. »
« Nous devons développer l’équipe autour des pilotes et je mets ce mot au pluriel, parce que c’est important. Ils sont la clé du développement de l’équipe et je suis impatient de travailler avec eux et de continuer à développer l’équipe avec eux. »
Pourtant, pour réussir en F1, une équipe semble devoir privilégier un seul pilote : c’est ce que fait Red Bull avec Max Verstappen, c’est ce que faisait Ferrari avec Michael Schumacher...
« Non, il y avait Prost et Senna chez McLaren. Les pilotes sont les piliers de la performance, pas seulement concernant la vitesse sur la piste, mais aussi pour le développement de l’équipe, le feedback qu’ils peuvent donner, la motivation qu’ils peuvent apporter. Ils sont la clé du projet. Je pense que nous avons deux bons pilotes et ils sont très importants pour moi. »
On pourra cependant relativiser l’exemple de Frédéric Vasseur, en pensant à la guerre civile qui avait fini par éclater entre Prost et Senna !