Trois semaines après un Monte Carlo surprenant, le WRC se rendait ce week-end sur les routes enneigées de la Suède pour une autre épreuve atypique. Dire que cette course particulière a conduit à un résultat surprenant est un euphémisme, puisque même si l’on n’en sait pas franchement plus sur les performances intrinsèques de chacune des nouvelles voitures, ce sont Jari Matti Latvala et Toyota qui ont triomphé !
Si cette victoire est inattendue, le Finlandais n’a pas fait dans la demi-mesure et ne la doit pas aux simples faits de course. Avec six spéciales remportées, soit un peu plus d’un tiers de l’épreuve, Latvala a montré qu’il a non seulement retrouvé son meilleur niveau, mais que la Yaris n’est pas la voiture mal née que l’on craignait. Comme au Monte Carlo, l’ancien pilote Volkswagen s’est montré prudent et appliqué, ne commettant aucune erreur malgré la pression de se retrouver encore en lutte pour le podium.
Les craintes d’un sur-pilotage de sa part étaient totales samedi soir, après qu’il s’est retrouvé en tête du rallye suite à l’abandon de Thierry Neuville, et Tommi Mäkinen a organisé une réunion de deux heures avec son pilote pour qu’il trouve une manière d’aborder les trois spéciales restantes sans se mettre dans un faux rythme et sans faire d’erreur non plus.
Résultat : Latvala a remporté les trois spéciales du dimanche, dont la Power Stage, pour marquer trente points et pointer en tête du championnat du monde. Pour Toyota, il s’agit de la première victoire depuis le rallye de Chine en 1999, lorsque Didier Auriol avait fait triompher la Corolla WRC une dernière fois.
Comme au Monte Carlo, les deux pilotes M-Sport accompagnent le Finlandais sur le podium et cette fois, Ott Tänak devance Sébastien Ogier. L’Estonien a vécu une alerte vendredi avec un petit problème de boîte de vitesses mais heureusement pour lui, il fut très vite réglé. Reparti le couteau entre les dents, il accomplit un nouveau sans-faute et égale son meilleur résultat en WRC. La victoire n’est pas loin pour Tänak qui semble avoir gagné en régularité.
Et comme il y a trois semaines, Sébastien Ogier a commis une petite erreur qui, cette fois-ci, lui a coûté la possibilité de gagner. A seize secondes de la tête de l’épreuve au moment d’aborder la dernière journée, le quadruple champion du monde a fait un tête-à-queue dans les premiers mètres. Vu le rythme affiché par Latvala et Tänak, il est toutefois peu probable qu’il aurait réussi à aller les chercher, et il reconnaît déjà commencer à penser au championnat. Cette troisième place et les quatre points marqués en Power Stage sont, en ce sens, une très bonne opération.
M-Sport et Toyota peuvent se féliciter de l’issue du rallye de Suède malgré la nouvelle sortie de route de Juho Hänninen dans le camp de ces derniers. Ce n’est pas le cas des équipes rivales, encore à la peine ce week-end.
Le rallye appliqué de Dani Sordo, qui marque encore les points de la quatrième place, ne peut pas satisfaire Hyundai dont les performances étaient bien plus imposantes que les autres constructeurs. L’Espagnol aurait dû être la garantie de points au classement des constructeurs et se retrouve à jouer les bouées de sauvetage pour l’équipe de Michel Nandan.
Ce dernier n’a pas mâché ses mots samedi soir, quelques minutes après la sortie de Thierry Neuville, déclarant qu’il était inadmissible de voir un pilote sortir de la route dans un tracé comme celui-ci, qui est presque un gala, alors qu’il possède plus de quarante secondes d’avance sur son principal poursuivant au classement général. Et si la sortie du Monte Carlo, où le Belge avait arraché sa roue sur le coin d’un pont en sortant très légèrement, était pardonnable, celle de samedi est en revanche impardonnable. Neuville se justifie encore en parlant d’une petite erreur, sauf qu’elle arrive à un moment où elle n’aurait pas dû arriver, et la réalité est qu’il en est déjà à cinquante points de perdus en deux rallyes.
Avec deux cartouches grillées, il n’a déjà plus le droit à l’erreur car avec six victoires de spéciale dans chacun des deux premiers rallyes, il est le favori pour le titre au niveau de la vitesse pure. Les 36 points de retard sur Ogier et les 40 sur Latvala constituent déjà un handicap énorme qu’il sera difficile de combler. Pour Hayden Paddon, le rallye s’est aussi mal déroulé qu’au Monte Carlo mais ce n’est en rien de sa faute : le Néo-Zélandais a disputé une demi-journée sans direction assistée. La septième place qu’il sauve à l’arrivée est elle aussi frustrante après un rallye disputé sans erreur.
Comme chez Hyundai, l’équipe Citroën dispose également de son « assurance vie » en la personne de Craig Breen. Nominé pour piloter la deuxième C3 WRC et pour marquer des points au championnat constructeurs, l’Irlandais a parfaitement rempli son rôle et malgré un certain déficit en performance, a mené un rallye propre pour aller chercher la cinquième place finale. Il termine de nouveau premier dans le camp du constructeur français.
Kris Meeke s’est encore mis en avant avec une sortie de piste et suite à celle-ci, n’a pas réussi à revenir dans le top 10 pour marquer des points. Il en sauve deux dans la Power Stage mais il ne faut pas oublier qu’il faisait office de favori pour le titre il y a trois semaines. Il a pourtant déjà quasiment tiré un trait sur la couronne mondiale car s’il arrive à terminer un rallye sans commettre d’erreur, Meeke devra également se mettre au niveau de ses rivaux, ce qui est loin d’être le cas pour le moment.
Le Britannique n’est pas le seul à blâmer sur le plan de la performance car son équipier s’est lui aussi plaint du comportement de la C3, manifestement violente, dont le train arrière semble imprévisible et difficile à maîtriser. Il va désormais falloir trouver la source de ce problème si Citroën veut jouer le podium et la victoire car en deux rallyes, elle n’a remporté qu’un seul scratch.
En attendant, les trois hommes forts du championnat s’appellent pour le moment Latvala, Ogier et Tänak, qui sont les seuls arrivant à cumuler vitesse et régularité. Leur état de grâce favorise pour le moment M-Sport et Toyota qui dominent le classement des constructeurs.
Sauf grosse surprise, le Mexique ne devrait pas inverser complètement la tendance. Une chose est sûre, Hyundai et Citroën mettront la pression sur Neuville et Meeke qui n’auront pas le droit à l’erreur, bien qu’ils soient pourtant assez peu fiables dans de telles conditions. L’un comme l’autre devront marquer de gros points et arrêter l’hémorragie s’ils veulent avoir une chance au championnat et reprendre confiance en eux-mêmes, mais aussi récupérer la confiance de leur équipe respective.