Un mois après les 24 Heures du Mans, Romain Dumas était de retour le week-end dernier sur le tracé manceau, non pas pour une compétition officielle, mais dans le cadre du Festival Porsche. On sait que l’Alésien, vainqueur des 24 Heures du Mans 2010, n’est pas du genre à rester en place. Il suffit de le suivre pour s’en convaincre. En une heure de temps, on le voit tester un simulateur de pilotage, partir en piste au volant d’une Porsche 911 « Dakar », repartir avec un Cayman, signer des autographes, se faire prendre en photo, parler avec les nombreux Porschistes présents ou échanger avec Yannick Dalmas, René Metge ou Gérard Larrousse. Même hors de tout contexte de compétition, Romain vit sa passion à 110% et surtout la fait partager. Les questions n’ont pas manqué, avec un retour sur la magnifique victoire aux 24 Heures du Nürburgring, l’édition mouvementée des 24 Heures du Mans, la cohabitation protos/GT, le retour de Porsche en LMP1 ou encore le rallye.
Romain, commençons par le Nürburgring. Cette 4ème victoire en cinq ans a été la plus difficile à aller chercher ?
Romain Dumas : « Oui, mais c’était aussi la plus sympa. C’était vraiment une belle course, qui plus est pas facile. Cette édition 2011 a été rapide, preuve que le niveau monte d’année en année. Il y a d’abord eu cette pesante histoire de règlement une heure avant le départ de la course. La donne changeait au niveau du poids, sauf pour les BMW et les Porsche. Nous avions deux autos et il a fallu faire un choix. Les pilotes étaient partagés entre ceux qui voulaient rouler sur les deux autos et les autres. Bien entendu, c’est totalement différent côté fatigue sur un tracé aussi exigeant que le Nürburgring. Nous voulions retirer la GT3 et rouler avec la « bonne vieille » RSR. Compte tenu du plateau présent, nous pensions faire un podium, sachant que le départ ne s’est pas fait dans de bonnes conditions. Il a fallu partir en slicks coupés et c’était un gros risque, surtout dès la première heure. Nous avons vite pointé dans le tiercé de tête, mais de peu, car la Porsche 911 GT3-R Hybride et les BMW étaient elles aussi très rapides. Les BMW ont rapidement attaqué, avant d’être retardées par des soucis. »
La Porsche 911 GT3-RSR a montré qu’elle avait encore de beaux restes face aux GT3 nouvelles générations ?
« (Rires). Cela ne s’est pas fait sans aller au charbon, mais il est vrai que l’édition 2011 restera dans les annales. Avec une quinzaine d’autos qui se tenaient en trois secondes aux essais, c’était vraiment très ouvert. A l’origine, il n’était pas prévu d’engager cette auto car elle ne servait plus. Elle était cantonnée à être dans un showroom. L’équipe l’a ressortie et préparée en 15 jours. Toutefois, c’est triste que Marcel (Tiemann) n’ait pu partager cette victoire avec nous. »
Bien entendu cette victoire, aussi belle soit-elle n’efface pas la déception du Mans ?
« C’était une semaine de folie ! Notre auto n’a pas été épargnée par les problèmes. Durant la qualification, je suis gêné dans un tour rapide par un autre concurrent, d’où une sortie. En course, il y a eu aussi un tête à queue pour la n°1, là aussi suite à une incompréhension avec une GT. Pour couronner le tout, Mike a eu un gros accident, toujours suite à un problème dans le trafic. Nous étions au mauvais endroit au mauvais moment. Mike n’est pas fautif, car il faut savoir que la philosophie de la course a changé. Il faut prendre conscience que le danger est de plus en plus présent et il faut donc pousser l’analyse pour résoudre le problème du trafic. Au Nürburgring, tu pilotes à 90% et si tu pousses à 95%, tu as de grandes chances de sortir. Au Mans lorsque tu roules à 270 km/h, les GT sont quant à elles à 160 km/h. Le trafic devient de plus en plus problématique. On rencontre également ce problème au Nürburgring, mais cela se passe différemment. »
Quelle est selon toi la solution ? Un temps minimum imposé aux pilotes ?
« Oui c’est une solution, mais il faut que cela soit respecté. Heureusement que l’Audi R18 TDI est une auto solide et qui plus est fermée, sinon Allan et Mike n’en seraient pas sortis à si bon compte. Il y a aussi le problème de certaines GT qui ne disposent pas de rétro intérieur. Une caméra, c’est bien mais ça ne suffit pas. Lorsque tu regardes un écran en pilotant, il y a un problème. On n’est pas dans son salon en train de regarder un DVD. Tout le monde doit avancer ensemble et être à l’écoute. Avec l’arrivée du Championnat du Monde d’Endurance FIA, les choses vont, je l’espère évoluer. Tout a pris une dimension très forte. Les 24 Heures du Mans sont maintenant un sprint de 24 heures. »
Dans deux ans, Porsche fait son retour en LMP1. Que t’inspire ce come-back ?
« C’est ce que beaucoup de gens attendaient. Le mythe revient dans la catégorie reine. Il est clair qu’il va y avoir beaucoup de travail dans le futur. Porsche ne repart pas de zéro car le RS Spyder n’est pas loin. Pour moi 2014 c’est loin et je ne veux pas rater les éditions 2012 et 2013. Peut-être qu’en 2014 je ferai un relais dans une Audi et un dans une Porsche (rires). Mon cœur bat pour Porsche. Etant petit, j’ai encore en mémoire les images des Audi Groupe B de rallye, alors que pour Porsche, c’est la 956 et 962C. J’ai écrit une page chez Porsche avec le RS Spyder, mais il me manque Le Mans avec cette marque. C’est un gros gros challenge. En attendant, je ne veux pas passer au travers des deux prochaines éditions mancelles. »
Rouler avec Penske au Mans est quelque chose qui te plairait ?
« C’est sûr que si Penske aligne une Porsche au Mans, je ferai tout pour être dedans. J’ai partagé beaucoup de choses avec eux et ce serait un réel plaisir que de rouler à nouveau pour Roger Penske, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. »
Tu as roulé pour les trois personnes les plus charismatiques de l’Endurance, avec le Dr Ullrich, Roger Penske et Olaf Manthey. Que retiens-tu chez chacun d’eux ?
« Il y a une chose qui distingue le Dr Ullrich par rapport aux deux autres, c’est que lui est employé d’une marque, alors que Olaf Manthey et Roger Penske sont patrons. Cependant, les trois ont une forte pression, mais l’un a plus de comptes à rendre. Une chose est sûre, ils sont tous là pour gagner et mettent tout en œuvre pour cela. Ce sont de vrais meneurs d’hommes. Le Dr Ullrich est incroyablement impliqué dans tout ce qui tourne autour du team. Lorsque l’on fait des tests d’endurance, il n’est pas rare de le voir assister aux réunions techniques, de regarder pourquoi une pièce a cassé ou de se pencher sur la boîte de vitesses. Tout passe par lui et il a un œil sur tout. Roger Penske est pour sa part un businessman. Il sait mettre les hommes qu’il faut là où il faut. Il a une éthique de travail unique et une rigueur énorme. Il dirige tout de même 45 000 personnes dans le monde entier, ce qui n’est pas rien. Il est tellement pointilleux que tant que ce n’est pas à 110%, il ne lâche rien. Il a notamment révolutionné les arrêts aux stands en ALMS. C’est la même minutie en IRL. Olaf Manthey a aussi un œil partout, mais dans une structure plus petite. C’est quelqu’un qui réfléchit beaucoup avant de prendre une décision et tout est pensé. Il n’a pas d’égal pour déterminer la bonne stratégie, ou choisir les bons pneus. »
Et le rallye ? La Porsche 997 va ressortir sous peu ?
« Dès les prochains jours avec le Rallye de la Montagne Noire. Gilles Nantet a prouvé il y a quelques semaines au Rallye du Rouergue que la Porsche était dans le coup. Le rallye est une discipline qui me plaît et je prends beaucoup de plaisir. Ma Porsche est une auto de route. Il suffit de la mettre sur l’asphalte, de s’installer dans le baquet et de partir en spéciale. Le coût d’exploitation n’a rien à voir avec une WRC. »
Propos recueillis par Laurent Mercier