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Henri Pescarolo : ’Une symphonie parfaite...’

Interview exclusive d’Henri

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Quelques jours après la retentissante victoire de la Pescarolo-Judd n°16 lors des Six Heures du Castellet, Henri Pescarolo a gentiment accepté d’accorder un entretien à Endurance-Info. C’était l’occasion de revenir bien sûr sur cette victoire en Le Mans Series, mais aussi d’évoquer l’avenir proche et plus lointain de l’équipe sarthoise.

Claude Foubert : Henri, quelle est ton impression générale après Le Castellet ?

Henri Pescarolo : "L’impression générale, si tu veux, c’est une joie extrêmement profonde pour toute l’équipe Pescarolo Team Autovision et pour moi en particulier. Au vu des Essais Officiels sur ce même circuit, on savait qu’on était en état de battre Rebellion et Zytek, et de gagner la course. Mais, entre savoir qu’on est capable de le faire et le faire réellement, il y a une grosse différence. Pour toute l’équipe, il fallait redémontrer que nous étions restés les mêmes. Si tu veux, c’était, pour nous tous en tout cas, la continuité de 2009. On passait directement à 2011, on a fait complètement abstraction de cette année d’absence en 2010. Donc, la voiture, le châssis 08, et l’équipe qui s’en occupe, sont sorties pour la dernière fois avec une victoire, en Asian Le Mans Series, et on recommence en 2011 avec une voiture qui est très proche de ce qu’elle était en 2009, et on recommence avec une victoire ! Donc, pour nous, même si on savait qu’on pouvait le faire, il fallait prouver à tout le monde et à tous ceux qui doutaient que l’équipe Pescarolo Team Autovision était de nouveau revenue aux affaires et au niveau où elle était avant."

"C’était très important de faire cette démonstration, pour reprendre confiance, très important pour ceux qui nous ont fait également confiance, et pour ceux qui doutaient carrément que l’équipe puisse revenir au premier plan. Donc, ça été un week-end de très forte tension en ce qui nous concerne parce qu’on savait qu’on était attendu au coin du bois et qu’il fallait démontrer de nouveau ce que nous avons fait pendant dix ans, à savoir que nous étions une des meilleures équipes d’endurance, capable d’inquiéter les meilleurs. Même si les meilleurs étaient absents, puisque Audi et Peugeot n’étaient pas là, en tout cas pour le championnat Le Mans Series les meilleurs étaient quand même bien là : Rebellion avec l’appui de Toyota, Zytek, qui était une référence en LMP2. Donc, c’était quand même une concurrence bien aiguisée. En plus, on se bat avec une seule voiture, contre deux Lola-Toyota Rebellion, aussi on n’a jamais le droit à la moindre erreur. On est très, très proches les uns des autres sur un tour."

On a beaucoup parlé de la victoire de "Pescarolo Team", mais beaucoup moins de la victoire de "Pescarolo Team Autovision". C’est pourtant bien l’appellation de l’équipe ?

"Tout à fait, je ne sais pas pourquoi, les gens ont du mal à citer le nom complet. Si tu veux, ils avaient l’habitude jusque là, parce qu’on existe depuis dix ans, de parler de Pescarolo Sport, puis de Pescarolo Team, parce qu’on a toujours eu des partenaires multiples et variés, et pas un partenaire important...Donc, c’était une habitude qui a été prise, maintenant il va falloir qu’ils se fassent à Pescarolo Team Autovision."

"Maintenant, il va falloir aussi trouver de nouveaux partenaires pour préparer le programme 2012, surtout pour sécuriser l’équipe, parce que maintenant le fait de n’engager qu’une auto, on l’a vu, ça présente un risque. Il aurait suffi qu’au départ Christophe soit impliqué dans l’accident et il n’y avait plus de voiture sur la piste. Mon but, c’était d’engager deux voitures, je n’en ai pas eu les moyens, et mon objectif, ce serait de faire beaucoup d’essais pour préparer Le Mans, et j’ai un budget qui est très tendu. Ceci dit, sans Autovision, on n’existerait pas, donc l’écurie s’appelle Pescarolo Team Autovision, et il faut rendre justice à Autovision. Monsieur Karras était très content après la victoire, un peu moins parce qu’on ne parlait que de Pescarolo Team, donc il faut bien parler de la victoire de Pescarolo Team Autovision."

Pour 2012, que souhaiterais-tu ? Construire une nouvelle voiture ?

"Maintenant qu’on a prouvé qu’on était redevenu ce que nous étions fin 2009, mon but ce serait effectivement de construire une nouvelle voiture pour 2012, parce que la coque date de 2007 et commence à être un peu handicapante sur le plan aérodynamique. On aurait envie de faire des évolutions pour 2012, elles ne seraient pas possibles à cause de la coque. Il est plus intéressant de construire une nouvelle coque, et de faire des évolutions aérodynamiques autour de cette nouvelle coque. Pour le moment, c’est ce que j’essaie de faire. C’est un peu tard dans la saison pour démarrer une nouvelle voiture, mais c’est encore possible à condition d’en avoir les moyens."

Tu chercherais un motoriste également ?

"Un partenariat moteur, c’est sûr que ce serait intéressant. Ceci dit, avec Judd on a un très bon moteur, et plus qu’un partenariat moteur, c’est un partenariat constructeur que j’aimerais trouver. Un partenariat moteur seul, ce ne serait pas forcément très intéressant, sauf si un moteur diesel arrivait, parce qu’on s’est rendu compte pendant les essais de la Peugeot au Ricard quand on y était qu’on allait peut-être avoir des mauvaises surprises au Mans par rapport aux diesel. Avec l’arrivée d’Aston Martin avec un 2 litres turbo, avec Honda qui va être là, avec Toyota qui arrive, avec Nissan qui commence à regarder, il faudra bien que l’ACO arrive à trouver des équivalences entre tous les types de moteur, essence ou diesel, ça fait cinq ans qu’on attend."

"Au Paul Ricard HTTT, il y avait la Peugeot qui tournait pendant qu’on s’installait, donc évidemment on a tous regardé ce qui se passait et apparemment il y a 25 kilomètres de mieux dans la ligne droite pour la Peugeot par rapport à toutes les voitures qui ont tourné avec des moteurs essence, ça veut dire que dans ces conditions, les équivalences ne seront pas au Mans ce que nous espérions, mais ça reste à voir."

D’après ce que j’ai pu voir, les écarts de vitesse en ligne droite n’étaient pas si importants que ça entre les LMP1 et les LMP2 ?

"C’est malheureusement le reflet de la réalité. Nous sommes bien placés pour savoir quelle est la différence de puissance entre un moteur LMP1 et un moteur LMP2 puisque Judd fait les deux. Judd nous dit exactement ce qui se passe : actuellement entre une LMP1 et une LMP2, il y a 40 chevaux d’écart seulement, ce qui fait que les P2 vont très vite, comme on l’a vu en course. Il y avait trois secondes au tour entre la meilleure P1 et la meilleure P2."

La différence de puissance du moteur Judd par rapport à 2009 n’est pas trop pénalisante ?

"En 2009, on devait avoir à peu près 660 chevaux, et là on doit être à environ 530/540. L’ACO a voulu diminuer la puissance. Pour compenser, il faut trouver des équilibres aérodynamiques un peu différents. C’est ce qu’a fait Peugeot et c’est pour ça qu’il y en a une qui s’est envolée au Ricard il y a quelque temps. Tout le monde essaie de décharger les voitures, à cause de la puissance bien moindre des moteurs, il faut arriver à trouver une nouvelle balance aérodynamique en fonction de la puissance de la voiture. C’est ce à quoi s’est attaché Claude Galopin au Ricard, essayer de trouver déjà en prévision du Mans un bon équilibre avec une voiture peu chargée sur le plan aéro. Après, progressivement on a fait des essais en fonction de Spa qui va bientôt arriver, en chargeant l’auto pour arriver à trouver une plage de réglages dans les meilleurs conditions possibles sur les circuits où nous allons courir."

"Pour parler encore moteur, on peut faire une constatation intéressante : l’ACO désire avoir des voitures qui consomment le moins possible, qui soient les plus écologiques possibles, et la tendance générale est à la réduction de la cylindrée des moteurs. Or nous, au Ricard, avec notre gros moteur 5 litres et des petites brides, on a été les plus économes. On ravitaillait plus tard par exemple que les moteurs Toyota, et chez Judd, le 3,4 litres est plus gourmand que le 5 litres avec des petites brides. Comme quoi..."

Pour la Journée Test du 24 avril, ce sera la même aéro qu’au Ricard ?

"Ce sera un peu différent. On a rechargé la voiture un petit peu au Ricard par rapport à ce qu’elle sera au Mans, parce que les pilotes la trouvaient un peu plus facile à conduire avec un peu plus de charge aéro. C’est pour ça qu’on avait perdu un peu en vitesse de pointe. Au Mans, on va la décharger encore un peu."

Est-ce que vous avez fait des simulations pour un chrono au Mans cette année ?

"Non, pas du tout, parce que beaucoup de choses ont évolué, on n’était pas au Mans l’année dernière Je crois qu’on va se baser sur les chronos des meilleures LMP2 l’année dernière, et je pense qu’on devrait être mieux, mais de combien je ne sais pas exactement. C’est à ça que vont servir les essais préliminaires, de nous situer par rapport aux performances des autres voitures essence, mais aussi par rapport aux diesel. Est-ce que les diesel vont démontrer tout de suite leur potentiel, ou est-ce qu’elles vont un peu cacher leur jeu ? Si on se base sur la seule course 2011 de Sebring, où la HPD se battait entre les moteurs diesel, on oublie que l’Aston Martin conduite par Pirro à Sebring avait doublé la Peugeot de Bourdais et était restée pendant un relais entre les deux Peugeot, alors qu’au Mans il y avait neuf secondes au tour entre ces mêmes voitures en faveur de la Peugeot. Sebring, c’est tout à fait à part. J’attends avec impatence de voir ce que va faire la HPD au Mans, et je ne crois pas me tromper en disant qu’elle sera très loin des diesel, ça métonnerait qu’elle soit comme à Sebring au niveau des diesel."

Côté pilotes, j’imagine que tu dois être très satisfait ?

"Je suis très heureux de l’équipage qu’on a réuni. Manu Collard, c’est une référence, je suis particulièrement heureux qu’il soit revenu chez nous, il était quand même pilote usine General Motors, mais il avait envie de revenir au volant d’un proto, de revenir chez nous, donc j’en suis ravi et c’est vraiment le pilote sur lequel on peut s’appuyer. Christophe Tinseau, c’est pareil, il fait partie, j’allais dire, des meubles ! Il a encore prouvé qu’on pouvait lui faire entière confiance, parce que la têche était difficile. Partir en dernière ligne, c’était une grosse responsabilité. Comme on l’a dit tout à l’heure, on n’a qu’une voiture, donc aucune faute n’est tolérable. C’est vraiment un pilote très sûr, très rapide, en plus qui se sent chez lui quand il arrive au Mans. Pour Julien Jousse, j’ai fait ce que j’ai toujours aimé faire, mettre un jeune pilote, comme je faisais avant du temps de la Filière. Et là, je suis comblé parce que Julien se révèle être exactement ce que j’espérais. En monoplace, il était très rapide. Ce qu’il a fait en World Series, ce qu’il a fait en Superleague, c’était impressionnant. Deux années chez Luc Alphand sans commettre aucune erreur, c’était ce dont j’avais besoin. On l’a mis tout de suite avec beaucoup de responsabilités, puisqu’il était au volant d’une voiture qui pouvait gagner la course pour la première épreuve dans laquelle il était engagé, et il a été tout à fait à la hauteur de ses coéquipiers et à la hauteur de ce qu’on attendait de lui. Il a conduit d’une manière très sûre, sans commettre aucune faute, il a largement contribué à la victoire de l’équipe. Je suis vraiment ravi de cet équipage. Ils avaient tous la possibilité d’aller plus vite si ça avait été nécessaire."

"Cette performance a été possible grâce à la constance des pneus Michelin. On a été surpris, c’étaient vraisemblablement des nouvelles gommes. Le circuit Ricard est un des circuits les plus abrasifs du point de vue des pneus et on a été capable de faire deux relais sur un rythme constant avec des gommes tendres Michelin. C’est tout à fait exceptionnel. Quand on regardait nos temps pendant les essais, on faisait de l’endurance avec des gommes tendres de Michelin et les meilleurs temps, on les faisait avec des pneus qui avaient un relais et demi, donc on était très optimistes pour la course, même si je n’en avais pas trop parlé."

Pour le championnat, c’est encourageant ?

"Pour le championnat, oui, c’est très encourageant, par contre pour Le Mans, il faut voir, car j’ai peur qu’on ait des mauvaises surprises avec les performances des diesel, donc on va voir. Je ne veux pas faire de procès d’intention avant de constater d’une manière complète où en sont les performances des voitures diesel par rapport aux voitures essence."

"Ce qu’il ya de fondamentalement nouveau, c’est que l’ACO a toutes les informations nécessaires pour faire la part des choses entre puissance moteur et qualité de la voiture. Si tu veux, avec l’appareillage qu’ils ont installé dans nos voitures, ils peuvent à chaque endroit du circuit prendre des partiels. Si ils constatent que dans une accélération sur 500 mètres en ligne droite, il y a un endroit où le traction control ne fonctionne pas, qu’il y a des grosses différences d’accélération alors que les voitures font le même poids, ils ont les informations nécessaires pour pouvoir agir. Est-ce qu’ils le feront ou pas, je n’en sais rien, mais maintenant les choses seront claires."

"Parler de revoir les performances s’il y a plus de 2% d’écart sur un temps au tour entre les voitures à moteur diesel et les voitures à moteur essence, ce n’est pas très juste, parce que si une voiture est meilleure parce qu’on a fait un meilleur châssis, ce ne serait quand même pas très moral de lui donner un handicap. Si la Peugeot est infiniment supérieure à toutes les autres parce qu’ils ont fait un meilleur châssis, ou si l’Audi est infiniment supérieure parce que c’est la meilleure voiture, c’est la course automobile. Par contre, si on constate dans les mesures que cette accélération en ligne droite d’un moteur diesel est beaucoup plus rapide que celle d’un moteur essence, là ce n’est pas tout à fait logique qu’on n’intervienne pas. Ce qu’on pourrait attendre des organisateurs, c’est qu’à partir du moment où ils ont le courage d’admettre dans la même compétition des technologies différentes, c’est qu’ils fassent en sorte que chacun dispose de la même puissance. Après, s’il y a des voitures meilleures les unes que les autres, c’est la course automobile, bravo !"

"La nouveauté du règlement 2011, c’est que l’ACO se réserve le droir de faire des modifications après les deux premières courses. Comme au Paul Ricard il n’y avait pas de diesel, ce sera donc Sebring et Spa, après on verra ce qui se passera. On fera mieux la part des choses après la Journée Test du Mans, entre qualité châssis et puissance moteur. Au Paul Ricard, en ayant un peu déchargé la voiture, on était à 302/303 kmh, et la Peugeot était au-dessus de 325...On verra au Mans."

"Je voudrais dire que ce résultat exceptionnel n’a été possible que grâce à toute l’équipe, et en particulier à Claude Galopin. Pendant que je me démenais pour faire survivre l’écurie, Claude, le Chef d’Orchestre, était toujours là. J’avais aussi la chance d’avoir d’excellents instrumentistes, peut-être les meilleurs, qui m’attendaient aussi. Ce sont eux qui étaient déjà à Okayama pour la dernière victoire fin 2009, et ils recommencent... Mais les meilleurs instrumentistes sans chef d’orchestre, ça peut donner une cacophonie, alors qu’avec le chef, ça donne une symphonie, et j’ai eu la chance d’avoir les deux avec moi qui avaient la partition, la voiture, et ils l’ont jouée à la perfection..."

Nous remercions vivement Henri Pescarolo.

Propos recueillis par Claude Foubert

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