Si le mois de mai 2021 de Simon Pagenaud n’a pas été aussi idyllique qu’en 2019, lorsqu’il avait gagné l’Indy 500, s’était élancé en pole et avait aussi remporté le GP d’Indianapolis, le Français a vécu trois semaines très réussies en Indiana.
Après une belle sixième place sur le circuit routier, il a effacé une qualification décevante pour remonter à la troisième place des 500 Miles d’Indianapolis, lors desquels il a montré un rythme qui aurait pu lui permettre de viser la victoire.
Mais le temps perdu lors du premier arrêt au stand, qui l’a forcé à effectuer deux remontées, l’a empêché d’aller chercher son deuxième succès dans cette épreuve mythique du sport auto.
Malgré une petite déception, Simon Pagenaud sort du mois de mai avec une très grande motivation. Il est quatrième du championnat derrière Alex Palou, Scott Dixon et Pato O’Ward. Il peut donc légitimement viser un deuxième titre en IndyCar, comme il l’explique dans une interview exclusive pour Nextgen-Auto.com.
Dixième en qualifications au GP d’Indy et sixième à l’arrivée, troisième en course à l’Indy 500, le mois de mai s’est plutôt très bien passé ! Est-ce que le résultatde l’Indy 500 était une déception, ou est-ce que c’était attendu que les qualifications soient plus difficiles ?
Ça ne s’est pas passé comme prévu non ! (rires) La qualification ne s’est pas passée comme prévu, on s’attendait à être plus compétitifs, heureusement on a redressé la barre avec la voiture de course, avec les réglages pour la course, et la voiture était très performante donc à nous de comprendre ce qui s’est passé en qualifs pour la prochaine fois. Cela nous a coûté cher, imaginons que l’on démarre aux avant-postes, ça aurait changé la donne. Pour le Grand Prix, je pense qu’on a tiré ce qu’on pouvait, on a progressé sur la voiture sur circuit routier et le résultat était satisfaisant. On s’établit aussi au championnat et en regardant les points aujourd’hui, c’est de bon augure pour la suite de la saison.
Hormis Ed Carpenter Racing, les moteurs Chevrolet semblaient souffrir en qualifications. Est-ce que c’est eux qui avaient trouvé un truc particulier ? Est-ce que face au Honda, le déficit de performance était compensé par la consommation ?
Je ne sais pas ce que fait Ed Carpenter Racing parce que je suis chez Penske et que dans ce genre de course, le but est de se concentrer sur soi-même. Il y a tellement de combinaisons de réglages, il y en a des millions, et il est clair que le moteur Chevrolet fonctionnait bien puisque Ed Carpenter Racing s’est qualifié troisième. A nous de trouver la solution pour les qualifs, on avait fait la pole il y a deux ans et ce n’est pas anodin. Comme je l’ai dit, on a retourné la situation en course et ça montre la force du team Penske.
Est-ce que le fait de devoir s’arrêter deux fois a été un facteur décisif pour le résultat, plus que la position sur la grille de départ ?
Il est certain qu’avec des ’si’, on peut refaire Paris ! Mais la course a été ce qu’elle a été, le drapeau jaune nous a renvoyés à l’arrière du peloton une deuxième fois alors qu’on était déjà remontés en 16e position. Ça nous a mis sur la sellette parce que je n’avais plus que 150 tours pour remonter sur la tête, et ce n’était plus une course de 500 miles à ce moment-là après ce premier arrêt. Mais c’est la course aussi, ce sont les risques qu’on prend en stratégie, il y a toujours le risque d’un drapeau jaune quand on étend son relais. Malheureusement on a pris des risques, c’était pareil pour [Scott] Dixon et [Alexander] Rossi, ça a été pareil pour plusieurs pilotes mais on était sur une stratégie agressive et c’est le jeu.
La voiture semblait aussi bonne qu’en 2019 en course, était-ce le cas ? Est-ce qu’elle avait le même potentiel, ou le feeling n’était pas aussi parfait que lors de la victoire, notamment avec l’Aeroscreen ?
La voiture était excellente, vraiment excellente, très similaire à 2019. Je pense qu’on s’est très bien adaptés à l’Aeroscreen sur ovale, je pense que j’avais la meilleure voiture dans le trafic et on l’a vu dans les derniers tours, avec les retardataires j’ai pu remonter et presque doubler [Alex] Palou sur la ligne d’arrivée. Donc j’étais très satisfait de ma voiture et ce qu’il fallait c’était être aux avant-postes, on y était à la fin, mais il a manqué un petit peu et ça fait partie de la course.
Justement est-ce qu’il a manqué un tour, deux tours ? On a vu que Palou était à portée dans les derniers mètres, mais est-ce qu’avec le trafic qui était devant Castroneves, ça aurait été possible de le rattraper, sachant qu’il semblait vraiment maîtriser la course ?
Je pense qu’avec les retardataires, ça aurait pu jouer en notre faveur car ma voiture était réglée pour être 20e en ligne, donc plus il y avait de voitures devant, plus ma voiture avait un avantage sur les autres. Helio et Palou n’ont pas eu le luxe de rouler dans le peloton dans la course, moi j’étais prêt, je savais exactement comment positionner ma voiture dans le trafic et c’était un avantage à la fin. Mais on a vu dans les 15 derniers tours quand il n’y avait personne devant qu’on n’avait pas la vitesse de Palou et Castroneves, donc on a fait le maximum.
On a vu un beau moment de félicitations avec Helio en fin de course. Est-ce qu’en plus du plaisir de le voir gagner, il y a une satisfaction que ce soit quelqu’un qui ne joue pas le championnat qui marque le maximum de points, dans l’optique du titre ?
Je n’avais pas pensé à ça, c’est un bon point mais surtout, Helio c’est quelqu’un que je connais depuis 2008 et l’endurance. C’est un très bon ami, c’était un excellent coéquipier, et ce qui est génial c’est qu’on a un pilote de notre génération qui a rejoint le club des quadruples vainqueurs de l’Indy 500. Ça permet à notre génération de faire partie de l’histoire des 500 Miles d’Indianapolis, et de l’histoire présente. On parle d’AJ Foyt, qui a remporté sa première victoire à l’Indy 500 il y a 60 ans, et il est temps que la nouvelle génération laisse son empreinte sur l’histoire du sport. Helio a fait quelque chose d’extraordinaire en écrivant une page de l’Histoire, et c’est pour ça que c’était un moment si particulier.
La course a été très animée avec cette folle remontée, et on a vu par exemple que Palou avait du mal à contenir sa déception à l’arrivée. Est-ce qu’à l’arrivée, il y a davantage de satisfaction d’avoir fait cette belle remontée, ou de la frustration de ne pas gagner ?
A Indianapolis il n’y a que le vainqueur qui compte, c’est comme la Coupe du monde, c’est comme un tournoi de tennis comme Roland Garros ou les 24 Heures du Mans, on ne se rappelle pas qui termine deuxième ou troisième. Ce sont des courses hors championnat, c’est une course unique, la plus grande course au monde et évidemment, il n’y a que la victoire qui compte. Mais avec le recul, il est clair qu’il y a énormément de points à prendre, que cette troisième place est magique car on remonte deux fois et qu’on est les seuls à le faire. C’est très positif, la remontée est magique et on s’est battus pour la victoire au bout. Quand on vient à Indianapolis, la première chose est d’être reconnaissant de pouvoir se battre pour la victoire, et quand on a le véhicule pour le faire, la deuxième chose est de gagner.
Pas d’inquiétude sur le fait qu’il ne reste plus que Gateway en circuits ovales, puisque c’est là que la voiture était à l’aise ? Ou est-ce que les progrès effectués sur circuit routier donnent justement confiance en vue de la lutte pour le titre ?
Il y a des circuits qui vont nous convenir qui arrivent, comme Détroit ou Nashville, car sur les circuits en ville on est très performants. J’ai de très bons espoirs, il faut qu’on progresse sur les circuits routiers en performance pure, mais en course on est toujours bien. On a une très bonne équipe, les stratégies sont bonnes, les mécaniciens sont les meilleurs, on l’a vu ce week-end, donc il y a de gros espoirs pour le championnat, mais c’est clair qu’il va falloir continuer de bosser.
S’il y a un rival à déterminer, ce serait plutôt Palou, Dixon ou un autre ? Ou est-ce que c’est trop tôt pour désigner un rival ?
Je pense qu’il va y avoir beaucoup de rivaux à la fin. On le voit il y a un vainqueur différent à chaque course, six courses et six vainqueurs, la catégorie en ce moment est à un niveau incroyable, de bonnes équipes, des pilotes prêts, et il y a un gros niveau. Dixon sera là, Palou on verra s’il tient le coup, mais il est très performant et il a la voiture. On sera là, Pato O’Ward avec McLaren sera aussi un client à mon avis. On s’attend à voir Josef Newgarden, je dirais que ce sont les habituels, et quelques débutants.
Quand le mois d’Indianapolis se termine, il faut encore penser à la saison à venir. Est-ce qu’il est possible quand même de déjà commencer à préparer l’édition suivante de l’Indy 500, ou est-ce qu’il est impossible d’y penser avant la saison suivante ?
Le soir de la course, je l’ai revisionnée jusqu’à 3 heures du matin, les notes ont été prises pour l’année prochaine sur des nouvelles manœuvres de dépassements et de défense que j’ai notées. L’équipe essaie de comprendre pourquoi les qualifications se sont mal passées, on sera plus forts l’année prochaine et c’est une chose sur laquelle on travaille en direct. On s’est tournés vers Detroit depuis hier, avec mon ingénieur de course on a commencé à penser aux réglages qu’on aurait pour les séances d’essais libres. Mais dans le fond, il y a les ingénieurs R&D qui, eux, travaillent encore sur Indianapolis, et on reviendra plus forts.
En 2019 et cette année, c’est ta voiture qui semblait la plus efficace en rythme de course chez Penske. Est-ce qu’il y a quelque chose qui a été trouvé dans les réglages qui permet de trouver ce petit plus, ou est-ce qu’il y a une facilité de pilotage pour exploiter la voiture derrière le volant ?
C’est un type de course qui me convient très bien, c’est très fin, il faut être très technique et en pure confiance avec sa voiture et son équipe, et c’est un feeling que j’adore. J’ai bien compris le système de course, je le maîtrise et je me concentre majoritairement dessus pendant la saison. Mon objectif numéro 1 a toujours été Indianapolis, et je mets beaucoup d’efforts en place pendant l’hiver pour me préparer à cette course-là, et comme on l’a vu en fin de course, quand le requin est en route, c’est difficile de l’arrêter (rires). C’est un feeling, c’est une piste qui me plaît, un système de course que j’aime énormément, et tout ça fait qu’on a de grandes performances. Sur les sept dernières années, on s’est battus quatre fois pour la victoire, donc c’est beau.
Est-ce qu’on s’habitue aux vitesses d’Indianapolis ? On voit des vitesses complètement folles avec plus de 370 km/h de moyenne et des pointes à plus de 380 km/h. Est-ce que ça devient normal, ou est-ce qu’il y a des moments en course où l’on réalise cette vitesse ? Et est-ce que le cerveau doit s’adapter chaque année en revenant sur ce circuit à ce type de vitesse ?
Personnellement, c’est une telle visualisation et une telle réflexion sur la performance que ça me paraît normal, et même parfois, quand il nous manque 1,5 km/h ça parait lent dans la voiture ! C’est assez fou de se dire ça. Ce qui est très difficile, et on l’a vu, ce sont les arrêts au stand. Il est difficile de trouver les mots pour expliquer la difficulté d’arrêter un véhicule qui roule à 380 km/h pour descendre à 90 km/h en très peu de temps et avec des roues qui ne sont pas alignées. Les freins sont froids et ils sont en carbone donc ils accrochent énormément. Avec le peu d’appui aérodynamique que l’on a, les arrêts au stand sont ce qui est le plus délicat. Ça mérite d’être expliqué parce que c’est un moment très stressant.
C’est plus stressant que d’aborder le premier virage à 380 km/h, finalement ?
Il faut s’adapter, il faut adapter la vitesse dans les yeux. Cette profondeur et cette distance qui changent très rapidement, c’est très difficile à gérer.