Simon Pagenaud a débuté sa saison par le Rolex 24, qu’il a remporté pour la deuxième année consécutive avec Acura et Meyer Shank Racing. Mais le Français a également profité de l’hiver pour peaufiner son programme principal de l’année, l’IndyCar, et il explique comment il a fait les deux en parallèle.
"Fin septembre, après la dernière course, je me suis laissé une semaine pour souffler et pour laisser souffler mon ingénieur aussi ! Il n’en pouvait plus, c’est beaucoup de boulot pour eux, ils font beaucoup d’heures et pas seulement en piste" a déclaré Pagenaud dans une interview exclusive pour Nextgen-Auto.
"C’est aussi le développement en amont, le simulateur, la préparation, ils font beaucoup d’heures donc je l’ai laissé souffler. De mon côté, j’ai fait le bilan personnel de ma saison et j’ai mis en place un programme de progression pour 2023, et j’ai commencé à travailler dessus mi-octobre."
"Je suis ensuite allé mi-octobre dans l’équipe, on a fait le bilan avec tout le monde, avec Helio, on a regardé les points positifs, les points négatifs, ce sur quoi il fallait travailler, et on a mis en place un programme qui a été bien respecté."
"On a mis l’accent sur les pit stops, les stratégies, qui étaient bonnes mais qui peuvent toujours progresser, et puis la performance des pilotes et des voitures. On arrive bien au bout du programme qu’on a mis en place, il manquera toujours des choses mais il y a une grosse évolution."
"Je rappelle que c’était la première année de l’équipe avec deux voitures donc il y a une évolution naturelle à comprendre. Je suis confiant, on a bien bossé, mais on va être dépendants de l’évolution technique de la voiture, qui a été bonne, mais on verra si c’est suffisant. Peut-être pas pour combler l’écart avec Penske, mais je pense qu’on va combler l’écart avec les autres."
"En parallèle de cela, j’ai travaillé sur le programme endurance d’Acura, il fallait développer la voiture et c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. J’ai beaucoup travaillé avec les ingénieurs, c’est mon point fort donc je me suis lancé à fond dedans mais j’ai bien géré les deux. Après les essais IndyCar de Thermal, je me sens prêt pour la saison."
Un travail quasiment exclusif sur les suspensions
Un développement qui n’est pas aussi important en IndyCar, où la base de châssis est la même depuis 2012. La Dallara DW12 est devenue IR-18, mais les équipes n’ont que peu de possibilité de travail, hormis sur les suspensions, l’amortissement et le moteur. De quoi rendre le travail de fond un peu moins palpitant.
"C’est une très bonne question ! C’est évidemment moins excitant, moins passionnant parce qu’on découvre beaucoup moins de choses. On a tellement d’expérience avec le châssis et avec les amortisseurs."
"Je ne sais pas si le public le sait, mais les amortisseurs sont une partie totalement ouverte du règlement, on peut faire tout ce qu’on veut avec, donc il y a principalement du travail sur l’amortissement. C’est un système de mass damper, comme avait Renault en F1 à l’époque d’Alonso, c’est le contre-poids qui travaille sur la suspension."
"Il y a beaucoup de travail sur cela, mais nous les pilotes, on est en dehors de ça. Donc quand on remonte dans la voiture en début de saison, il y a beaucoup d’évolutions d’amortissement et on dit si c’est mieux ou moins bien."
"Au niveau du moteur il y a aussi des évolutions, il y a des recherches qui sont faites, mais c’est une fenêtre qui est toute petite par rapport à ce que l’on peut voir en endurance, où le règlement est beaucoup plus ouvert."
Une motricité différente avec le moteur Honda
En 2022, le vainqueur de l’Indy 500 2019 a retrouvé un moteur Honda après avoir couru chez Penske avec un bloc Chevrolet pendant de nombreuses saisons. De quoi adapter sa manière de travailler, notamment sur la gestion de la puissance et de l’accélération, qui ont posé quelques problèmes l’an dernier.
"Clairement, et il y en a encore. On est encore en train de travailler sur le moteur délivre sa puissance pour mieux gérer les pneus arrière. C’est une chose sur laquelle j’ai beaucoup souffert l’année dernière, mais c’était un petit peu la faute de mon pied droit plus que du moteur !"
"On travaille là-dessus pour trouver des solutions et garder le positif que ça amenait sur un tour qualif, tout en trouvant du positif sur les longs relais pour éviter de détruire les pneus arrière. C’est une relation super avec les ingénieurs, mais on est sur des marges de progressions petites, surtout par rapport à l’endurance où l’on pouvait penser aux idées les plus folles et les appliquer."
De plus, cette motricité se gère en s’adaptant au mieux aux pneumatiques, qui sont un défi nouveau chaque saison : "Oui, il y a aussi quelque chose à expliquer au public, c’est que Firestone nous fournit des pneus différents. Il y a l’évolution des pneumatiques, mais aussi de leur processus de fabrication."
"Ils sont constamment en recherche d’efficacité sur leur production. Du coup, la recette des pneus change chaque année et l’on se retrouve avec des pneus différents d’une année sur l’autre. Ils changent aussi entre les circuits en ville, les circuits routiers et les circuits ovales, où ils sont très différents."
"On a très peu d’essais, on a deux jours d’essais et quatre jours à l’année. C’est très peu pour comprendre ce que font les pneumatiques, qui représentent 80 % de la performance. Il y a un peu de chance dans le développement des pneus, à savoir si l’on va réussir à tomber sur ce qui fonctionne."
"C’est ce qui nous est arrivé l’an dernier, les pneus étaient plus fragiles que l’année d’avant, et l’équipe a eu beaucoup de mal avec ça. Je croise les doigts cette année pour trouver les bons réglages, mais c’est ce qui fait qu’on voit des différences de performance d’une année sur l’autre, ça reste de l’inconnue."
Des pneus qui "changent totalement" une voiture
Avec des pneus différents sur les circuits ovales, routiers et urbains, mais aussi des gommes spécifiques à différents types d’ovales, les pilotes doivent jongler entre des constructions et des composés variables, ce qui oblige à avoir une capacité d’adaptation permanente, et fait évoluer la hiérarchie.
"Alors sur les ovales, ils changent moins les pneus. Mais ça arrive qu’ils les changent, et ça change totalement le comportement de la voiture, surtout à ces vitesses, où un tout petit changement a une grosse influence."
"Heureusement, on a souvent une séance d’essais début avril qui nous permet de revoir les données et de nous préparer pour le mois de mai. Mais malgré tous les essais sur simulateur, en soufflerie et sur le banc dynamique, on n’a pas d’infos sur les pneus et il y a encore de l’inconnue en sport auto."
"C’est ce qui en fait sa beauté, et c’est ce qui fait que l’on a un tel niveau dans le championnat, car d’une année sur l’autre il faut être capable de remettre les choses à plat et de continuer à évoluer."
"L’adaptation à l’Aeroscreen est faite"
Parmi les changements apportés au châssis Dallara, il y a évidemment eu l’arrivée en 2020 de l’Aeroscreen, sorte de Halo surmonté d’un pare-brise, pour protéger la tête des pilotes. Jamais décrié pour sa sécurité, il a toutefois apporté quelques difficultés dans le comportement de la monoplace.
"Alors ça m’a beaucoup dérangé dans le comportement de la voiture sur les circuits routiers et en ville. Sur ovale, pas vraiment, mais il faut imaginer qu’ils ont rajouté à peu près 40 kilos sur le haut de la voiture, donc le centre de gravité est remonté et le poids est allé vers l’avant."
"Donc l’équilibre de la voiture a changé, elle est plus lourde et elle a des réactions un peu plus pataudes. C’est vrai que la première année, en 2020, en temps de Covid avec des essais réduits et moins de temps le week-end, c’était compliqué de s’adapter."
"Maintenant, je dirais que l’adaptation est faite et que l’on comprend ce que fait l’Aeroscreen sur la voiture. On travaille avec ce que l’on a, et j’espère que cette année, on arrivera à trouver un peu plus que les autres."
Une victoire en 2023, et de préférence à Indianapolis
Le champion 2016 de l’IndyCar n’a jamais caché que sa plus grande réussite est d’avoir inscrit son nom au palmarès des 500 Miles d’Indianapolis. L’équipe Meyer Shank a elle aussi remporté l’Indy 500 en 2021 avec l’équipier de Simon Pagenaud, Helio Castroneves.
Dès lors, le Français ne cache pas qu’il visera au moins un succès cette année, et que la priorité absolue sera de remporter un deuxième Indy 500, tandis que son équipier visera une cinquième victoire, qui le placerait seul en tête des vainqueurs de l’épreuve.
"Je sais déjà un peu plus ce que j’ai sous le siège cette année, je connais le potentiel de l’équipe et ce sur quoi on a travaillé, je connais l’écart avec les autres équipes, donc j’ai une meilleure compréhension de notre potentiel et des résultats que l’on peut obtenir."
"Après, il y a beaucoup de choses que je ne contrôle pas. Il y a la progression des autres équipes, beaucoup de jeunes pilotes qui arrivent et que je ne connais pas, donc en effet il y a des choses un peu plus compliquées à prévoir."
"Une bonne saison pour moi serait de terminer dans le top 6 ou top 7 du championnat. Une victoire dans la saison, je serais très content, et je pense que ce serait faisable. Mais l’objectif numéro 1 avant tout ça, pour nous, ce sont les 500 Miles d’Indianapolis qui restent notre objectif principal. Pour Helio comme pour moi, c’est l’objectif numéro 1 et je pense que l’on a une chance de le faire."
"Je n’y vais pas pour être 2e ou 3e"
Remporter les 500 Miles d’Indianapolis était doublement avantageux jusqu’ici, puisque l’épreuve mythique offrait le double de points des autres courses du championnat. Cette année, elle proposera un barème classique, mais ce n’est pas quelque chose qui pose problème à Simon Pagenaud.
"Très honnêtement ça m’est complètement égal, pour moi l’Indy 500 n’a rien à voir avec les points. C’est juste la course à part, s’il y avait zéro point ça me serait égal, s’il y en avait 200, peu importe aussi."
"Pour le championnat, c’est mieux pour moi qu’il y ait le double de points car je suis toujours bien à Indianapolis. Mais si tu as un problème mécanique comme j’ai pu avoir dans le passé, ça peut coûter un championnat, donc peu importe très honnêtement."
"J’y vais pour gagner la course, je n’y vais pas pour être deuxième ou troisième. L’année où je finis troisième, on ne s’en rappelle pas, je ne m’en rappelle pas et je n’ai pas envie de m’en rappeler ! On y va pour gagner et c’est le one shot pour moi. C’est la plus grande course, c’est LA course de l’année, donc des points ou non, ça m’est égal."